jeudi 14 décembre 2017

Les Grèves des Joailliers, Bijoutiers, Lapidaires, Diamantaires, Horlogers

Cliquez pour agrandir les images,  et voir le lien en fin d article*

J ai en mémoire ce conflit récent entre des ouvriers de chez Cartier venus de Reims jusqu'au 13 rue de la Paix, pour demander des augmentations .
J ai réfléchi sur les causes de cette grève assez classique, des ouvriers comparent les super bénéfices de leurs employeurs avec leurs salaires, et je me suis souvent demandé "comment les choses se passaient autrefois dans nos métiers?" Souvent au cours de mes recherches, j ai trouvé des informations sur le travail des femmes au XIX eme . Mais dans ces métiers aux petites structures , y avait il des syndicats? Avions nous une profession plus sage que les autres?  De quand date cette forme de protestation? la grève!


Le Papyrus qui relate la grève et la statue de Ramses

Les hommes et femmes qui travaillaient sur ce site il y a plus de 3000 ans n'étaient pas lapidaires en diamants mais presque , ils façonnaient et taillaient des pierres pour la Nécropole Royale, dans la Vallée des Rois.
Sous Ramsès III ces ouvriers de Deir-el-Médineh se mirent en grève, la plus ancienne grève que l' histoire connaissent, et il reste un Papyrus écrit par un scribe qui nous relate le pourquoi. Il est conservé à Turin.



Le scribe Amennakht, qui travaillait  pour la Nécropole Royale décrit les événements.
Les ravitaillements, qui constituent les salaires, tardent à être distribués par les fonctionnaires royaux. En plus de ces retards, les ouvriers se plaignent aussi de la mauvaise qualité des rations alimentaires
" si nous en sommes arrivés à ce point, c'est à cause de la faim et de la soif ; il n'y a plus de vêtements, ni d'onguents, ni de poissons, ni de légumes; écrivez au pharaon, notre bon seigneur, à ce propos, et écrivez au vizir, notre supérieur, pour que les provisions nous soient données ».
Ces ouvriers pour montrer leur désarroi et leur colère  vont faire grève et occupent des bâtiments administratifs et des temples, pour en bloquer l'activité. 
Ils obtinrent satisfaction.......

Il faudra attendre  1830 pour s'apercevoir que la réduction du temps de travail devient une revendication syndicale. La journée de douze heures donne lieu à de nombreuses luttes sociales dès les années 1830. A cette époque, on travaille quinze à dix-sept heures par jour. Les rapports médicaux révèlent que ces effroyables conditions de travail sont à l'origine d'une morbidité importante, en particulier chez les femmes et les enfants.



Felix Philippoteaux Épisode de la Révolution de 1848 : Lamartine repoussant le drapeau rouge à l’Hôtel de Ville, le 25 février 1848

 Un décret de 1848 fixe, pour la première fois, la journée de travail à douze heures. Pourquoi 1848?
La révolution française de 1848 est la troisième révolution française après 1789 et 1830, elle se déroule à Paris du 22 au 25 fevrier 1848

Sous l'impulsion des libéraux et des républicains, le peuple de Paris, à la suite d'une fusillade, se soulève à nouveau et parvient à prendre le contrôle de la capitale.Louis Philippe refusant de faire tirer sur les Parisiens, est donc contraint d'abdiquer en faveur de son petit-fils, Philippe d Orléans
Le même jour, dès 15 heures, la seconde république est proclamée par par le poète Lamartine entouré des révolutionnaires parisiens. C'est la fin de la Monarchie de Juillet. Un décret de 1848 fixe, pour la première fois, la journée de travail à douze heures. Mais ce verrou va rapidement sauter sous les coups de boutoirs des dogmes libéraux qui condamnent l'intervention de l'Etat. Le patronat impose l'allongement de la durée du travail sous le second Empire, alors que le pays s'industrialise de façon intensive. L'historien P. Pierrard rapporte ces propos tenus par un patron du textile à l'adresse d'un inspecteur des fabriques : " La science économique veut que l'homme, dut-il y périr, doit toujours suivre le rythme de la machine qui, elle-même, pour assurer la prospérité, ne doit jamais s'arrêter. "

Les enfants au travail

En mai 1874, une loi prévoit des réformes et de nouvelles règles en ce qui concerne les conditions de travail des enfants et des femmes. Désormais, il est interdit d’employer un enfant de moins de 12 ans, sauf cas exceptionnel.
D’autre part, les femmes et les mineurs seront dispensés de travailler le dimanche ainsi que les jours fériés et leur journée de travail sera limitée à 12 heures. Une loi créant l'inspection du travail interdisant le travail des enfants de moins de douze ans, avec une limite à 6 heures par jour.

À la fin du 18 ème et au début du 19eme siècle la durée de la journée de travail d'un ouvrier est de plus de 10 h dans la plupart des pays industrialisés : les registres indiquent que les cadences peuvent atteindre 12 à 16 heures par jour, souvent six jours par semaine. Les avancées techniques du début du capitalisme et les stimulants coloniaux comme le Café le Thé ou le Sucre ont rendu possible un travail de 70 heures par semaine et par personne. Elle peut également aller jusqu'à 12 ou 14 heures pour les employés de boutique

D un pays à l' autre les informations commençaient a circuler à la fin du XIX ème siècle, ce siècle qui connut l'industrialisation; la démocratisation, le nationalisme.

En 1891 il fut inscrit  dans les statuts des organisations d'ouvriers diamantaires d'Amsterdam, non seulement dans la grande "organisation générale administrée par des socialistes, mais aussi dans les organisations religieuses (qui sont, par exception, des organisations sérieuses et fidèles à la cause ouvrière), un article défendant à leurs membres de travailler avec des collègues non organisés.

Plus près de nous en 1892; 



Les Diamantaires Français commençaient à s'organiser

Malgré la grogne cet article fut  maintenu fermement par tous les organisés,



1897 Journal "Le Radical"

En 1897 une très grande grève qui fera tache d huile dans tous le métier en Europe, se déclara
a cause d'un conflit avec une maison de joaillerie, la maison Asscher.(la maison qui tailla le Cullinan) Les organisations proclamèrent la grève contre ce patron et après un certain temps, elles eurent gain de cause.(Voir pour Asscher un texte en fin d article)


Dans le journal le Temps de 1897, on ne parle que d 'Anvers et Amsterdam, mais les diamantaires français observent.
la Société des joailliers, qui connaît depuis sept ans l'existence de l'article, s'occupa elle aussi de la question et exigea que l'organisation des diamantaires enlevât l'article de ses statuts.
Le but des joailliers était clair. Il y a, depuis le commencement de la guerre sud-africaine, un terrible malaise dans \n joaillerie parce que la plus grande partie de matière première doit venir de Kimberley, où on ne peut travailler depuis longtemps que très irrégulièrement. Le chômage et par conséquent la misère ont été terribles parmi les ouvriers et c'est ce moment qui a paru propice aux patrons pour écraser l'organisation ouvrière.La Fédération patronale des diamantaires tint une réunion dans le palais de l'industrie, où 400 membres étaient présents, et, après un débat solennel, on vota sur la revendication des joailliers. 491 voix furent pour et 3.275 contre.

Les patrons joailliers avaient déclaré que, si les organisations refusaient d'accéder à leurs ordres, ils ne donneraient d'ouvrage qu'après avoir obtenu satisfaction. On avait donc à attendre un lockout général : c'est ce qui arriva. Les joailliers le votèrent, mais ils résolurent de ne publier cette résolution qu'après quelques temps, lorsque l'ouvrage en cours serait fini.Mais les organisations ouvrières prirent l'offensive et le 2 janvier,' à midi, toutes les organisations proclamaient la grève pour tous les ouvriers travaillant pour des membres de la société des joailliers, c'est-à-dire presque tous les patrons diamantaires d'Amsterdam, il y a 700 (sur 8 à 900) ouvriers diamantaires, qui sont dans la rue.



En 1899 le "Petit Parisien" observe que des grèves sont en cours en France

Par suite des chômages terribles qu'ils ont derrière eux, les caisses des organisations sont presque vides, mais la résolution farouche de garder debout l'organisation merveilleuse qu'ils ont fondée et soutenue pendant 8 ans, anime les ouvriers.
La plupart de ces ouvriers sont des juifs; il y a un syndicat religieux de juifs, un de catholiques et un de calvinistes, qui ont ensemble environ 1.500 membres ; le syndicat général, administré par des socialistes, compte 6.500 membres. Il n'y a environ que 1,000 diamantaires non organisés à Amsterdam, la plupart sont des gens qui ont été chassés de leurs organisations, et qui ne constituent aucun danger pour l'ensemble des ouvriers diamantaires. En 1895, les ouvriers diamantaires d' Amsterdam avaient soutenu une lutte de 4 mois, dont 16 semaines sans toucher un centime de secours.



En 1900 c'est dans la "Dépêche Tunisienne" qu' on peut trouver un article relatant la reprise des grèves.
En France personne ne prend garde.
Pourtant le jeune député Millerand fait accepter une loi du 30 mars 1900,  elle limite la journée de travail à dix heures soit 70 heures par semaine et en fixant l'application progressive sur un délai de quatre ans.
La limitation du temps de travail concerne pour la première fois toute la population.
Fonctionnant par paliers, la limitation horaire absolue est de onze heures par jour.
Par ailleurs, on s’oriente vers une réglementation du travail qui n’est plus unilatérale mais qui inclut les syndicats dans les négociations.
Millerand a l extrême gauche au début de sa carrière finira président du conseil, à droite



1903, pourtant , Le Petit Parisien fait état d une grève des bijoutiers d'art? Les bijoutiers d'art par exemple en 1907, des noms très intéressants





La revue socialiste de 1905 nous rappelle que les Belges se manifestent encore.


L intransigeant de 1905 montre que les Français sont toujours dans la contestation


Mais en 1906, le patronat n'applique rien , les diamantaires s'impatientent alors  que l'ensemble des salariés va bénéficier d'un progrès considérable pour l'époque:
la loi institue pour la première fois un jour de repos hebdomadaire obligatoire, le dimanche.




A saint Claude dans le jura , la taille de diamant était a l instar de l horlogerie une industrie idéale  car les ouvriers pouvaient travailler les mois d hiver chez eux, avant l'électricité , la force motrice était l'eau, les diamantaires étaient situés près des cours d eau à fort débit car les meules demandaient beaucoup d'énergie alors que les lapidaires se situaient au bord de rivières a plus faible débit. Mais cette industrie isolait l ouvrier qui se trouvait a la merci du patron.

Des coopératives de diamantaires se développèrent à Saint Claude





Saint Claude Jura coopérative des diamantaires


1906 les ouvriers de Saint Claude vont tenir une grève de huit mois, la ville est en état de siège, c'est une petite ville mais 400 gendarmes y sont envoyés. Les grevistes sont explusés de la Bourse du travail« Henri Ponard s’adresse aux ouvriers : “On nous chasse ? Possédons nos locaux !” C’est ainsi que naît l’idée de la maison du peuple, qui sera finalement inaugurée en 1910 », 





Alors arrive 1907 et des grèves très importantes:le journal "Les temps Nouveaux " l expliquent si bien ....

LES GRÈVES PARIS   Dans la Bijouterie. - Les ouvriers de la bijouterie-imitation et petit bronze, réclament la journée de 9 heures et 50 0/0 d'augmentation sur les heures supplémentaires. Les syndicats patronaux ayant refusé d'entrer en pourparlers avec le syndicat ouvrier, la grève a été déclarée dans cette spécialité de la bijouterie.
Mais, à l'exemple des ouvriers gainiers, qui vinrent à bout des résistances patronales en déclarant la grève par maison, au lieu d'une grève généralisée à toutes les maisons ; les bijoutiers emploient la même tactique, et déjà des résultats favorables sont obtenus.
A mesure qu'une maison cède, le travail reprend, et la mise-bas s'opère dans une autre.
Cette tactique de grève, qui donne actuellement d'excellents résultats, se heurtera certainement un jour contre la coalition patronale.
Lorsque les maisons continuant à travailler, consentiront à exécuter les commandes des maisons frappées par la grève, cette méthode n'aura plus autant d'efficacité, mais, en ce moment, elle est féconde en résultats, et les bijoutiers s'y tiennent.




En France, dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge quelques années plus tard remplacé par une églantine puis en 1907 c'est le Muguet qui est choisi
.



Mars 1907, on tirait encore sur les grévistes  cette époque et si ce n est un joaillier, c'est un docker que l on enterre tombé d une balle dans la tête lors de manifestation.


1907 les  horlogers se joignent aux mouvements vous pouvez voir sur cette carte postale d un atelier qui fabrique des boites  de montre qu'il y a femmes et enfants  au travail


1907 le mouvement grandit


La grève des horlogers


1907 statistiques gouvernementales, les grèves des métaux fin  augmentation de 1Frs pour les hommes et de 25 à 40 centimes pour les femmes



Ce fut quand même  la profession des métaux fins  qui  eut le plus gros pourcentage de grévistes


Vint le 1 er mai 1907 avec la revendication des 8 heures de travail







Mais il faudra attendre 1919 pour que la durée légale du travail soit fixée à 8 heures par jour à raison de 6 jours par semaine, soit 48 heures hebdomadaire.  Fixée ne veut pas dire appliquée

Il n'y eut pas que Nemours, Paris, Saint Claude a accueillir des diamantaires par exemple en 1921 dans l'Univers Israélite
La taillerie de diamants Asscher.
Vendredi dernier, comme nous annoncions la promotion de M. Joseph Asscher dans la Légion d'honneur, le nouvel officier inaugurait, avec son frère M. Louis Asscher, la taillerie de diamants qu'ils ont créée à Versailles. Les journaux ont longuement parlé de cette inauguration, à laquelle assistaient le ministre du Travail et de nombreuses personnalités du monde politique et commercial. M. le grand-rabbin de France était parmi les invités.
Nous n'avons pas la prétention d'ajouter à la propagande de la grande presse. Disons cependant qu'à côté des discours officiels, le chéhéhéyanou de M. le grand-rabbin n'eût pas été déplacé. L'industrie que MM. Asscher introduisent en France est florissante à Amsterdam et à Anvers ; elle y a dû en grande partie son essor et sa prospérité aux juifs, à ceux d'Espagne depuis la fin du XVIe siècle, à ceux de Pologne depuis la fin du XIXe siècle. Spinoza, s'il ne taillait pas des diamants, polissait des verres. Si un nouveau Spinoza pouvait sortir de Versailles !
Zangwill a remarqué que ce trait de la vie de Spinoza « le mettait de pair avec les grands rabbis du Talmud », qui tenaient aussi à gagner leur vie par un travail manuel. Ce qui apparenterait plutôt MM. Asscher avec le judaïsme, c'est leur souci d'assurer à leurs ouvriers le confort, l'agrément et comme la joie du travail. Cette préoccupation philanthropique est la meilleure des propagandes pour la question sociale. et pour la question juive.
Il y a quelques semaines, un professeur de l'Université de Leyde a fait une conférence sur le péril juif, au grand scandale du public néerlandais, pour qui l'antisémitisme est un produit inconnu. Un membre de la communauté israélite d'Amsterdam, M. Asscher - sans doute un parent de nos diamantaires — a lancé un défi au professeur ; les arguments ne lui manqueront pas, pris dans la plus récente actualité.
A ce sujet je vous conseille de visiter le site de Monsieur Eric Hamers Son arrière-grand-père, Adrianus Hamers, venu de Hollande en 1898, a formé le personnel de ce qui était alors, à Versailles, la plus importante taillerie de diamants de France.

Dans "l'Echo Annamite" de 1926 au mois de décembre



1927  La "Révolution  Prolétarienne




15-06-1927 la nouvelle revue socialiste 106 jours de grève a Saint Claude
Saint Claude dans le Jura fut un grand centre pour les industries lapidaires et diamantaires


1936 Revue des pères de la compagnie de Jésus, une certaine différence de vue avec la photo suivante


1936 dans l humanité


1936 "Le populaire" la grève des diamantaires est terminé


En 1936, le Front Populaire vote les 40 heures hebdomadaires. Le temps de travail dans la plupart des pays industrialisés descend jusqu'à environ 40 heures après la seconde guerre mondiale Ce n'est cependant qu'en 1978 que le temps de travail hebdomadaire effectif des ouvriers atteindra ce niveau. Ainsi, en France, dans les années 50 et 60 alors que la durée légale est de 40 heures, les durées effectives moyennes oscillent entre 45 et 46 heures hebdomadaires.


Albert Leon dans le "livre de l outil"

Je profite de cet article pour rendre hommage a Mr Albert Leon qui m'a précédé à la Présidence de la FNAMAC pendant plus de 30 ans , il était diamantaire et dut affronter de nombreuses épreuves dans sa vie.

*https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/cartier-des-ouvriers-en-greve-manifestent-rue-de-la-paix-a-paris_1292257.html

Abraham Asscher (Amsterdam, 19 septembre 1880 – 2 mai 1950) était un Néerlandais, diamantaire et homme politique, qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été l'un des deux présidents du Conseil juif d'Amsterdam.
Son père et son frère avaient à Amsterdam une entreprise de diamants ; par la suite Asscher en devint directeur et sa firme jouissait d'une notoriété mondiale, en particulier pour s'être occupée de tailler le Cullinan, le plus grand diamant qui ait jamais été trouvé.

En 1917, Asscher devint pour le Parti libéral membre des États provinciaux de Hollande-Septentrionale. De plus, il était actif dans de nombreuses organisations et associations juives, au point que pendant plusieurs années, il présida le Comité spécial pour les intérêts juifs particuliers.
En 1941, Asscher et David Cohen furent désignés par les occupants allemands pour présider le Conseil juif d'Amsterdam. C'est ainsi que – bien involontairement – ils jouèrent un rôle dans la déportation de nombreux juifs néerlandais. En septembre 1943, d'ailleurs, tous deux furent à leur tour déportés et Asscher se retrouva au camp de concentration de Bergen-Belsen, mais il put en revenir vivant. Après la guerre, Asscher et Cohen furent accusés par un jury d'honneur juif d'avoir contribué par leur adhésion à ce qui était arrivé aux Juifs néerlandais et il leur fut interdit à jamais d'exercer une activité dans une organisation juive. Asscher entra dans une telle colère qu'il renonça à être membre de la communauté juive. Une des conséquences est qu'il n'a pas voulu être enterré au cimetière juif de Muiderberg, mais au cimetière de Zorgvlied à Amsterdam.

dimanche 26 novembre 2017

Le Grand Mazarin : regard circonspect sur ce beau diamant.





Difficile de chercher une vérité sur ce diamant. Le 23 mai 1887 eut lieu " la vente lamentable des Diamants de la Couronne organisée par l’Etat en 1887. Elle amputa vertigineusement le patrimoine national."
Ainsi commentait Mr Daniel Alcouffe, grand conservateur du Louvre. Je vous encourage à lire son avis.
http://www.latribunedelart.com/une-catastrophe-nationale-la-vente-des-diamants-de-la-couronne-en-1887

En mai 1887, le «Grand Mazarin» est vendu une première fois aux enchères, par le gouvernement français, et acquis par le joaillier Frédéric Boucheron.
75 ans plus tard, il revient sur  le devant de la scène. « en 1962, le Louvre a tenu une exposition exhaustive et méticuleusement documentée présentant les plus importants bijoux jamais façonnés en France, avec une place spéciale réservée aux joyaux de la Couronne française. Le Grand Mazarin était listé au numéro 22, entre les légendaires diamants Régent et Sancy», raconte Christie’s.
Jamais depuis il n’avait été revu. Jusqu’à ce mois d’octobre 2017 où ce superbe diamant qui se trouve actuellement dans une collection privée européenne, s’apprête à changer de propriétaire.
Il  a été vendu le 14 novembre par Christie's à Genève.  Je l ai vu sur place.

Certains ont lu qu'il pesait 19 carats 07 alors que lorsque Frédéric Boucheron l' avait acquis, il pesait 18 carats 22/32, d'autres pensent qu' il y avait plusieurs diamants du même poids dans les" Mazarins"
Cela vaut la peine de comprendre le pourquoi de ces questions.



Photo du Grand Mazarin par la  maison Christie's


Un peu d'histoire:

Jules Raymond Mazarin (Giulio Raimondo Mazzarino, Mazarino, Mazarini ou Mazzarini), né à Pescina, dans les Abruzzes, le 14 juillet 1602 et mort à Vincennes le 9-3-1661 à Vincennes, il fut un diplomate et un homme politique, d'abord au service de la Papauté puis des rois de France Louis XIII et Louis XIV.   Il succéda à Richelieu de 1643 à 1661. Le reste nous importe peu.
Ce qui nous intéresse c'est sa fortune et son amour des pierres précieuses.,
En tant que  Premier Ministre, Mazarin s’enrichit. À sa mort, il dispose d'un actif d'environ trente-cinq millions de Livres (dont 8,7 millions de livres en argent liquide et 4,4 millions en bijoux et objets précieux) Il s'agit de la plus grosse fortune du XVII ème siècle, correspondant à vingt-deux tonnes d'or, qui provient des largesses du Roi, de ses nombreuses fonctions au gouvernement mais surtout des revenus  issus de 21 abbayes qu'il dirige (en premier l abbaye de Saint Denis) et lui rapportent annuellement 572 000 livres à la fin de sa vie.
Résumons, il avait suffisamment d' argent disponible  pour pouvoir influer sur le monde politique. Progressivement, Mazarin abandonne la gestion de sa fortune personnelle à Colbert et Nicolas Fouquet.

4,4 millions de livres en Bijoux et pierreries??? dont  les Mazarins qui nous interessent.




Cardinal Mazarin


Voici la liste des diamants appelés les Dix Huit Mazarins

Passons de nombreuses années 

Mis à l’abri pendant la guerre de 1870, les Diamants de la Couronne furent exposés avec succès à Paris en 1878, à l’occasion de l’Exposition universelle, puis en 1884, au Louvre, dans la salle des Etats, Mais déjà ils étaient menacés, non par appât du gain mais par haine de la monarchie. La République encore fragile voulut priver à jamais les prétendants de la possibilité d’utiliser les Diamants de la Couronne. L’adversaire le plus efficace de ces derniers fut le fils de Raspail, le député Benjamin Raspail. Il déposa à la Chambre en 1878 une motion demandant la vente, qui fut approuvée, en juin 1882 seulement, par 342 voix contre 85. La même année 1882, fut nommée une commission d’experts chargés de préparer la vente ; elle proposa et obtint heureusement d’épargner quelques pierres et perles qui furent attribuées au Louvre (le Régent la Côte-de-Bretagne), au Muséum d’histoire naturelle et à l’Ecole des Mines. Après des discussions au Sénat, la loi d’aliénation, adoptée en décembre 1886, fut publiée au Journal officiel le 11 janvier 1887, étant signée par Jules Grévy, président de la République, et par Sadi Carnot, ministre des Finances : « Les diamants, pierreries et joyaux faisant partie de la collection dite des Diamants de la Couronne (…) seront vendus aux enchères publiques. Le produit de cette vente sera converti en rentes sur l’Etat ».


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La taille des diamants en 1780, tiré de l'Encyclopédie de la nature en 13 volumes (collection personnelle)

Suite:

A ce moment, la collection, riche de 77 486 pierres et perles, comprenait deux groupes de bijoux : le premier, le plus ancien, datant de la Restauration et le second exécuté sous le Second Empire, les Diamants de la Couronne n’ayant pas été utilisés sous la monarchie de Juillet. Au cours de la Restauration, Louis XVIII fit remonter pour ses nièces, la duchesse d’Angoulême et la duchesse de Berry, les parures exécutées pour Marie-Louise : ainsi la vente de 1887 comprenait-elle la parure de rubis et diamants, la parure de saphirs et diamants, la parure de turquoises et diamants et le diadème en émeraudes et diamants exécutés pour ces princesses, qui avaient servi aussi à l’impératrice Eugénie. Quant aux bijoux exécutés sous le Second Empire, ils débordaient d’opulence et d’imagination. C’est en particulier à l’occasion de l’Exposition universelle de 1855 que Napoléon III fit faire par les plus grands joailliers parisiens des joyaux magnifiques : une couronne pour lui, dont la monture fut brisée et fondue au moment de la vente, une couronne pour l’Impératrice, des bijoux fastueux pour celle-ci, notamment un nœud de ceinture en diamants se terminant par deux glands et une parure de feuilles de groseillier en diamants, comprenant une guirlande servant de collier, un tour de corsage et un devant de corsage. D’autres œuvres admirables furent créées dans les années suivantes, tels le peigne à pampilles en diamants (1856), le diadème russe (1864), le diadème grec (1867). On aurait pu tout avoir encore…
La vente se déroula au Louvre, dans la salle des Etats, en neuf vacations, du 12 au 23 mai 1887. Ce fut un échec financier. L’apparition sur le marché d’une telle quantité de pierres ne pouvait que les déprécier. La provenance historique des pièces, si importante commercialement de nos jours, ne fut pas prise en considération. La collection vendue était estimée à 8 000 000 F. or environ. Elle fut mise à prix à 6 000 000 F. L’Etat ayant déboursé 293 851 F. pour organiser la vente, la recette effective ne monta qu’à 6 927 509 F. Décevante pécuniairement, la vente fut désastreuse sur le plan historique, sur le plan minéralogique, étant donné la qualité de certaines pierres qu’on ne trouve plus maintenant, et sur le plan artistique, tant de chefs-d’œuvre de la joaillerie française disparaissant en même temps. Car tout concourut à faire perdre aux pierres leur identité : pour faciliter les achats, les éléments des parures de la Restauration furent vendus séparément, les décorations de Napoléon III furent démontées, la parure de feuilles de groseillier fut éparpillée. Les acheteurs furent principalement des bijoutiers (Boucheron, Bapst Frères, Tiffany etc), qui achevèrent de dépecer la plupart des joyaux pour en réutiliser les pierres.  
Texte de Daniel Alcouffe: Historien de l art français, officier de la légion d honneur, conservateur au Musée du Louvre, homme charmant qui répond aux courriers.


Photos personnelles prises sur place

Frédéric Boucheron au premier étage chez Boucheron
Donc Frédéric Boucheron, lors de  cette vente des Joyaux de la Couronne acquiert deux Mazarins , le Grand Mazarin et le huitième Mazarin.


Grand Mazarin.
 Décrit en 1691 "Un grand diamant épais, donné à la couronne par Monsieur le cardinal Mazarin, appelé le grand Mazarin, taillé en table carrée, de très belle eau un peu vineuse, net, qui manque de pierres en ses quatre coins, pesant 21 cts fort, estimé 75.000 livres." pesant 18, 22/32 cts, n° 46 de la vente, vendu 101.000 francs, acheté par Boucheron.

21 carats forts??? cela complique encore les choses, mais en vérité tous les diamants de la couronne ont été plus ou moins retaillés et l inventaire de 1774 après le décès de Louis XV, comparé a celui de 1691 révèle que le grand Mazarin avait été retaillé en "beau brillant"

Et le Huitième Mazarin
Diamant épais taillé en table de belle eau et sans défaut pesant 18 cts 1/4. Estimé 55.000 livres en 1691. Il orna la couronne de Louis XV au dessus d'une fleur de lys d'un arceau.  n° 47 de la vente, vendu 18.100 francs, acheté par Boucheron.


Cliché tiré du Recueil. Diamants, perles et pierreries provenant de la collection dite des joyaux de la couronne par Berthaud: Bibliothéque Nationale de France.
Marqués d un points noir  A gauche le Grand Mazarin  de 18ct 22/32° et a droite le diamant 6 eme Mazarin de 16 carats 9/16°




Il y eut un catalogue de cette vente, édité par le Ministère des finances et l expert était Mr Emile Vanderheym assisté de Arthur Bloche



Tiré de ce catalogue de la vente  la liste des Mazarins, certains contestent que le brillant oblong de 16 carats acheté aussi par Frédéric Boucheron soit un Mazarin, c'est l une des imprécisions de cette vente.



Cette vente lamentable qui fut contestée, avait en deuxième page, ce texte qui nous fait savoir que Sadi Carnot et Jules Grévy organisèrent cette vente pitoyable.


Grand Peigne à Pampille

Donc, à cette vente, Frédéric Boucheron  acheta le Grand Mazarin de 18 carats (de l époque) mais aussi le diamant oblong de 16 carats mais encore, une Croix de dix diamants provenant de la couronne impériale et il participa au dépeçage du grand peigne à Pampille avec Tiffany et d'autres
Au centre , en haut du peigne se trouve le diamant Hortensia.




Regardez bien sur la photo du grand Peigne, il était monté dans ce sens, ce furent les frères Bapst qui le montèrent pour l'impératrice Eugénie sur ce grand peigne à Pampilles en 1836.
mais l’Hortensia fut retiré de la vente et intégré au Musée d’Histoire Naturelle puis, enfin, au Louvre il pèse 21carats 32, de couleur pêche, vous pouvez le voir actuellement dans la galerie Apollon au Louvre
Il fut taillé en 1678 et vendu à Louis XIV qui le portait à sa boutonnière. Il tient son nom de Hortense de Beauharnais, reine de Hollande, qui l'a porté. Hortense était la très jolie fille de Joséphine de Beauharnais.

Mais en dehors de l Hortensia il y avait 201 autres diamants sur ce grand peigne pour un total de 438,50 carats .
Frédéric Boucheron acheta un diamant de 14 carats, 18100frs, un diamant de 18 carats 56.500frs, un diamant de 6 carats 28  25200frs et les deux pampilles qui se trouvaient de chaque coté de la pampille centrale pour 141.000 frs.


Cliquer pour agrandir

Au catalogue de la vente figuraient des photos, mais sur une page  de coté, dans ce catalogue gardé à la Bibliothèque Nationale, un inconnu a noté les prix enchéris avec les noms de tous ceux qui s'étaient battus pour les diamants du peigne.




Les deux Mazarins figurent dans les livres de Boucheron  comme ayant été revendus à un Baron Russe,  le Baron Von Derwiès, un sacré bonhomme;  voir :https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_von_Derwies

Sur le bon on peut voir qu'il habitait en 1888, Porte rouge à Moscou, et que Boucheron ne prit que 15 % de bénéfice.
Après le Baron Derwies, comment le Grand Mazarin est passé de ses mains, entre celles d'une grande famille européenne qui l'a vendu chez Christie's ce 14 novembre? Ce sont les mystères des ventes publiques.

Je rappelle que le deuxième diamant oblong acheté par Boucheron ne serait pas un authentique Mazarin, nous aurons peut être des précisions grâce à un lecteur de cet article, sinon!!!

Les sept gros diamants (de 17 à 30 carats) furent montés en chatons séparés pour l’impératrice Eugénie. Ils avaient précédemment orné la couronne impériale et furent présentés pour la vente comme sept Mazarins alors que, seul le grand Mazarin provenait des 18 pierres léguées à Louis XIV en 1661. Le roi le donna à son épouse puis le fit monter sur la grande chaîne de 45 gros diamants.

Donc si vous avez bien lu, on se perd avec les poids des pierres , Frederic Boucheron achète un diamant le grand Mazarin d'un poids de 18 carats 22/32 et Christie's revend le même diamant comme pesant 19carats 07?

Cette différence est due a l' avènement du système métrique et je vais tenter de vous l expliquer.

Le Système international d'unités inspiré du système métrique est le système d'unités le plus largement employé au monde (sauf aux Etats unis,au Liberia et en Birmanie). Il s’agit d’un système décimal  (on passe d’une unité à ses multiples ou sous-multiples à l’aide de puissances de 10)
 Le système d'unités consacré est donc le « système MKS », du nom de ses unités de base, le mètre, le kilogramme et la seconde.

La France, malgré Napoléon qui a traîne les pieds pour mettre cette extraordinaire réforme en place et nous avons toujours de notables exceptions.

En plomberie, les dimensions sont données généralement en fraction de pouce ;
La diagonale d'affichage des écrans électroniques (ordinateurs, TV, mobiles, etc.) s'exprime en centimètres, mais les commerçants lui préfèrent souvent l'usage du pouce ;
La vitesse en navigation maritime et aérienne se mesure en noeuds ;
Les pointures dont le calcul est dérivé du SI par une formule dont il est difficile de déterminer l'origine, 


Je possède ce pied a coulisse ancien, en bois et laiton, de cordonnier, il est marqué en 1/4 de pouces anglais, donc quand vous chaussez du 39, vous chaussez du 39 1/4 de pouces anglais.

Mais pour les carats, je me suis d abord perdu dans divers tableaux

Permettez moi de vous conseiller de lire mon article sur le carat en joaillerie:
https://richardjeanjacques.blogspot.fr/2007/01/caratkaratcaratskezako.html






Ces tableaux concernaient le carat mesure des métaux précieux, mais employaient aussi cette règle des 32°



Ce tableau  paraissait bon , mais mes essais appliqués aux pierres précieuses ne me donnaient pas de bons résultats



Encore un tableau complexe, puis,  je me souvins d un passage du livre "Diamants et pierres précieuses" par Louis Dieulafait de 1874,  heureusement, je possède ce livre.




Pour Dieulafait en France le carat vaut 0gr2055 (page de gauche en haut)
C'est l indication de poids la plus souvent trouvée dans ces années qui précèdent le système métrique

Observant une grande disparité dans la manière de définir un carat, je pense qu' il faut faire le calcul du poids total, pour voir quelle était le poids le plus proche du poids actuel

Le grand Mazarin d'après le certificat GIA pour Christie's pèse 19 carats 07 en carat métrique actuel.
En 1907, le carat (métrique) est défini par la 4e conférence générale des poids et mesures comme étant égal à 200 mg, soit 5 carats pour 1 gramme.

Le grand Mazarin vendu à la Maison Boucheron pèse  18carats 22/32°
1 divisé par 32 et multiplié par 22 est égal à 0ct 6875
Donc le grand Mazarin pèse à l' achat par la Maison Boucheron, 18carats 6875
Là ou cela se corse, c'est que sur le catalogue , il est indiqué 18 carats 19/32°
Mais restons sur cette indication de 18ct68

Le diamant acheté par Boucheron pèse (avec les données de l'époque) 18.6875 X 0.2055 = 3grs84028
Celui de Christie's en novembre 2017  ......................................... pèse 19ct07 X 0gr 20= 3 grs 814

Marc Faygen, un ami http://www.bijouxregionaux.fr/fr/  me fait remarquer que la différence est de 0,68% ou environ 1 sur 150, différence plausible quand les diamants étaient pesés avec des trébuchets et des minuscules poids en feuilles de métal





D'après le livre  "l introduction à la science " de Joseph Claudel, , 1/32 ° de carat vaut 6,4219
Donc multiplions 6,4219 par 22 nous obtenons 141 décigrammes, rajouté a 18 carats a 0.2055 = 3grs 840


Plus il y a de subdivisions et plus le poids s'égare

Conclusions : 1°) Quand on sait qu'a cette époque , chaque pays avait ses mesures, on peut crier haut et fort, Vive le Système Métrique qui a simplifié les choses. 

2°)  Je me dois d'ajouter un texte  du livre d'Emile Vanderheym, expert de la vente des Joyaux de la Couronne en 1887.

NOTICE HISTORIQUE SUR LES JOYAUX DE LA COURONNE ET OBJETS DES SACRES
EXPOSÉS AU MUSÉE NATIONAL  DU LOUVRE GALERIE D'APOLLON
PAR ÉMILE VANDERHEYM
 DIAMANT FLEUR DE PÉCHER. 
(24 + carats.)

Ce diamant figurait dans un des ornements représentant les fleurs de tête de la couronne de Louis XV, et ensuite dans le milieu du peigne de l'impératrice Eugénie. Le fac-similé figure dans une des huit fleurs de lis de la couronne royale, qui est placée dans la vitrine des joyaux de la Couronne et
des objets des sacres.
Il a été choisi par une Commission composée de MM. Crost, délégué du  Ministre des beaux-arts, Paul Bapst, Martial Bernard et Emile Vanderheym, comme présentant tous les caractères d'un diamant de collection et répondant le mieux au voeu de la loi, qui a prescrit de réserver un Mazarin pour le musée du Louvre. Quant à l'origine de ce diamant, elle est incertaine et nous ne saurions garantir qu'il ait réellement fait partie des dix-huit Mazarins légués par le cardinal à Louis XIV. Il est impossible, en effet, d'établir l'authenticité des Mazarins, ces diamants ayant été volés en 1792 . On a cherché à les reconstituer, mais il est douteux qu'on y soit parvenu.

Ci dessous ce que nous avons  perdu avec la vente des bijoux de la Couronne de France

Voici une petite partie de ce qui a été vendu, il nous reste ces photos conservées à la Bibliothèque Nationale, (source Gallica)



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