lundi 15 juin 2020

Affaire Conclue, pour une fois l'écrin peut avoir raison

Si j'en crois Wikipedia, Affaire conclue est une émission de télévision française diffusée sur France 2 depuis le 21 août 2017 et présentée par Sophie Davant.
Il s'agit d'une adaptation de l'émission Bares für Rares (littéralement « De l'argent pour une pépite ») créée et diffusée les après-midis depuis le 3 août 2013 par la chaîne de télévision publique allemande ZDF.
Toutes sortes d objets qui sont à vendre sont présentés par des "experts" cela peut aller de la canne à pêche, à un vase, ou un bijou.



Un ami professionnel de la joaillerie ancienne et de collection m a demandé de regarder et donner mon avis sur un objet en vente. Je n avais jamais regardé cette émission mais ayant reçu une vidéo j ai été jusqu'au bout du film.

Il était question d'estimer cette broche, un(e) commissaire priseur concluait qu'elle pensait  que cette broche était de Le Turcq, un joaillier que j ai cherché a faire connaitre.
https://www.richardjeanjacques.com/2015/03/georges-le-turcq-dessinateur-et.html

Mais dès le début de l'expertise j ai pensé que cette broche n'était pas de Georges Le Turcq, ni son style, ni sa façon de travailler sauf deux points communs, des perles du mexique et de l 'émail plique a jour. Je me suis laissé dire par la femme d'un descendant de Georges Le Turcq, qu il n'avait pas fait de pièces extraordinaires avec des diamants parce qu il n'avait pas les moyens, il aurait fallu qu’un client privé les apporte pour qu’on en fasse un bijou.




J ai essayé de contacter la commissaire priseur, et elle me rappela. Elle confirma ce qu elle avait dit à l'émission, pas de poinçon de maître, pas de marque, aucune piste. Nous échangeâmes sur le fait que sans poinçon de maître je ne me serais pas prononcé sur la provenance de ce bijou, et des petites divergences sur notre façon d'expertiser, mais elle me fit comprendre que dans une émission de télévision.....

Alors qui?
Au début de l'émission on voyait l' écrin, et bien que je ne fasse jamais confiance à un écrin, je cherchais en agrandissant l image a voir ce qu il y avait d'écrit, mais trop flou. 
Je lisais péniblement " de l ambassade d'Autriche......" cela me disait quelque chose, mais...pas assez net.



Dans ma mémoire s'était logé ces deux couronnes or  le bijou dans son écrin était passé très vite à l émission et c'était un peu flou, surtout avec ma cataracte de l oeil droit !!!!



Je demandais donc en fin de conversation avec cette commissaire priseur: "A tout hasard , vous pourriez me dire ce qu il y a d'écrit sur l'écrin" le temps de chercher dans ses notes , elle me dit " Bréant et Coulbeaux"
Bingo!!, je lui repondis  que pour une fois le bijou "collait" avec l'écrin 




J ai tiré de mes archives cet écrin qui accompagnait dans une vente un splendide collier de perles de culture (un peu tot pour 1895!!!) mais c'est dans un écrin semblable que se trouve la broche et il parait à la forme de la pièce.

Alors qui sont "Breant et Coulbeaux"

Très peu de bijoux apparaissent sur le marché de l occasion, ils ont souvent travaillé pour d autres bijoutiers fabricants ou détaillants, à commencer par notre fameux Le Turcq, mais le jour ou les particuliers sauront qu' ils possèdent un bijou de Bréant et Coulbaux, ou le jour où les professionnels de l antiquité feront attention au poinçon quand il y en a un, alors peut-être qu ils sortiront de l oubli.



Il est permis de penser que chacun exerça de son coté avant de s associer en 1884 pour fonder la maison Bréant & Coulbaux 



Je n ai pu trouver d'informations sur Henri Victor Auguste Bréant a part sa faillite puis  sa mort en 1921 et c'est regrettable. 



En revanche j ai trouvé le mariage de Coulbaux en  1881, il avait 28 ans. 
J' ai pu remonter, trouver sa généalogie, donc Alfred Camille Coulbaux était fils de bijoutier, bijoutier lui même et l' intéressant  dans son acte de mariage, c'est qu il avait comme témoins, 
Alexandre Laurent 42 ans 35 rue pastourelle a Paris oncle de l'épouse.
Alphonse Coulbaux, bijoutier, 34 ans, 99 faubourg saint Martin Paris et Frédéric Boucheron le joaillier, qui est inscrit en témoin, comme "Ami", il habitait encore rue de Valois .




En 1885 Breant & Coulbaux vont participer à l'exposition universelle d'Anvers et y obtenir une médaille d 'OR.


En revanche je suis très circonspect sur l attribution de ce bijou à Bréant & Coulbaux , "Drouot estimations" leur attribue cette pièce sur la foi de l'écrin 

37 drouot estimations

Collier articulé à transformation en or jaune (750) et argent (800) formé d’une maille fil de couteau double et d’une chute de maillons ovales ajourés feuillagés, centré d’un motif de volutes, enroulements et fleurettes, et orné de diamants tailles ancienne, huit-huit et rose en sertis griffe, grain ou clos. Système de fermoirs cliquets. Poinçon de maître orfèvre R.C. Travail français de la fin du XIXème siècle. Poids brut : 49,6 g. Long. : 40,5 cm. - Dim. motif : 4,8 x 4,2 cm. Dans un écrin de la maison Bréant & Coulbaux, 12 rue de la Paix Paris. 1 500 / 2 000 € Le collier peut se transformer en deux bracelets ou en collier de chien, et en broche avec une monture en or jaune (750) et argent (800) placée sous la garniture de l’écrin. Poids : 3,5 g. Long. collier : 36 cm. - Long. bracelets : 18 cm.


Bien que l écrin avait l air prévu pour, ce bijou est plutôt 1870 , quant au poinçon R.C., sans le symbole , je ne puis trouver qui travaillait pour eux




1889 ils sont à l exposition universelle de Paris avec une collection importante

D'ailleurs la "Gazette Drouot " de l'époque en 1889 écrivait ceci:

MM Bréant et Coulbeaux ont de très délicats ouvrages d'or, ajourés, émaillés, fouillés, ciselés, racontant les métiers de Paris en des rocailles Louis XV, des corbeilles fleuries et des emblèmes galants comme on les aimait au siècle passé, délicieux maniérisme, attributs d'une société spirituelle et facile où ces riens d'or étaient un signe de ralliement.–C'est encore ainsi qu'on reconnaît à l'épingle de cravate, à la broche piquée aux barbes du chapeau le goût et l'éducation de l'homme et de la femme. On appelait enseigne autrefois, le joli bijou que l'on portait au cou et au bonnet. Je ne jurerais pas qu'on n'y reviendra pas demain; ce ne sera plus N.-D. d'Embrun. 

mais peut-être un signe de ralliement. Les conservateurs anglais ont adopté la primevère, une princesse française a donné la rose d'or à ses fidèles, d'autres avaient arboré l'oeillet; il en est qui, dédaigneux de la politique et fidèles aux idées de charité, ont pris la croix, se rangeant à la suite d'un grand cardinal français dans une nouvelle croisade de liberté, de délivrance.




1889 dans la revue des arts décoratifs


1890, Breant & Coulbaux déposent un nouveau poinçon qui coïncide avec le déplacement de la maison du 18 rue de la Paix a Paris, au 12. Ils fabriquent mais font aussi commerce de bijoux qu ils font fabriquer par d autres .


Leur poinçon de Maître , le symbole est un marteau



Dans le journal "Le Gaulois" rubrique "Shopping"



Maitre Libert a revendu cette PARURE de HUIT GRANDS et SIX PETITS BOUTONS en argent serti de strass, modèle réticulé, deux d'entre eux en volutes entrecroisées. Dans leur écrin de Breant et Coulbaux, rue de la Paix. Fin du XIXe siècle.

 



Dans "l'Evènement"


Dans le journal "Le Rappel" et dans beaucoup d autres journaux, un bon moyen de se faire de la "Réclame"




Dans le journal "l'Intransigeant", ils ont écorché un peu Le nom de "Le Turcq", 
mais cette commission est très intéréssante , elle nous prouve qu'a l'époque Breant & Coulbaux faisait partie des meilleurs.



J ai  cherché ce qu' était cette oeuvre du Souvenir




Voici la pièce (importante) qui a été offerte à l occasion de la visite des  souverains Russes, elle est exposée au musée de la Marine à Paris, le Musée  ne sait qui en est l auteur  mais je reproduis leur texte:

Surtout composé d'un portique et de cinq bateaux miniatures en laiton et émail cloisonné. Les canots, à rames et à voiles, sont armés par des marins également en laiton. Dans une cinquième embarcation, au centre, est représentée Juliette Adam.
Ces embarcations portent les inscriptions suivantes : à tribord "L'Espérance" ; à bâbord "Constadt 1891 / Toulon 1893".
Rappelons que Juliette Adam (1836-1936), directrice de "La nouvelle revue", avait organisé un Comité du souvenir afin d'offrir, au nom des femmes françaises, des bijoux aux officiers russes et à leurs femmes.

C'est un surtout de table en laiton, laiton émaillé, et bois, quelle a été la participation de nos illustres joailliers?
Grâce à ses rôles d’hôtesse de salon et de directrice de revue, et avec ses combats épiques pour la République et pour la Patrie, Juliette Adam a joué un rôle important dans la vie politique française de la seconde moitié du XIXe siècle. Elle a notamment contribué à la fabrication d’une nouvelle classe dirigeante et conditionné l’adoption de certains choix de politique étrangère.




Juliette Lambert épousa d'abord l'avocat La Messine, puis le politicien Edmond Adam (1816-1877), député, puis sénateur dont elle conservera le nom. Juliette Adam publia de nombreux ouvrages de souvenirs sur le siège de Paris de 1870. Son salon fut fréquenté par les littérateurs et les hommes d'état les plus marquants. Elle accueillit, dans les colonnes de La Nouvelle Revue qu'elle fonda en 1879, des écrivains comme Pierre Loti.




Maitre Libert a revendu ces :TROIS PEIGNES décroissants en écaille brune, la monture en or mouluré à trois agrafes en X serties de petits brillants. 
(Dents manquantes). Dans leur écrin signé Bréant & Coulbaux, 12, rue de la Paix, Paris




Etonnante cette paire de boutons de Manchettes revendus par Maitre Tajan

PAIRE DE RARES BOUTONS DE MANCHETTES l'un serti d'une montre circulaire, mouvement mécanique, l'autre d'un chiffre en ou sur fond émaillé. Verset 1910. Dans un écrin de la Maison Bréant et Coulbaux. 





Kit de soins des mains ,porcelaine, vernis, dorure, décoration dite la joaillerie (porcelaine à émaux), argent doré (articles de toilette); 
deux boîtes en porcelaine: hauteur 2,5 cm, diamètre 5,5 cm;polir pour 5,5 x 11,3 x 4,6 cm; cadre - plaqué or, argent poinçonné (avec tête de Minerve);
sur soie à l'intérieur du couvercle couvercle imprimé noir:
 / EXPOSITION UNIVERSELLE 1889 / MEDAILLE D'OR / BRÉANT & COULBAUX /
FRS BES (?) DE L'AMBASSADE D "AUTRICHE - HONGRIE /
12. Rue de Paix / PARIS. France, Paris, produit préparé pour l'Exposition universelle de Paris en 1899 par la bijouterie Bréant & Coulbaux
(Paris, 12. rue de Paix), 1899 Boîtier: bois, papier, chamois, soie, laiton, dorure;
dimensions: 7,5 x 21 x 13,5 cm;
Revendu par Antic-Bazar, on peut être sûrs de l écrin réalisé a la forme des pièces



Que s'est il passé en 1895 ? apparemment une liquidation judiciaire du 18 rue de la paix, Nos deux joailliers conservent le 12 rue de la Paix  Paris





Maitre Chayette a revendu ce FUME -CIGARETTE EN QUARTZ ROSE 
Fume-cigarette en quartz rose et monture en pomponne. On joint un porte- stylo en nacre et pomponne.




Nos deux joailliers sauvent l honneur en évitant la faillite ce qui à l époque était une chose terrible, ils obtiennent un concordat, mais..




En 1898 ils dissolvent leur société qui était prévue en 1884 pour durer 16 ans , peut  être avec l approche de l'exposition universelle de 1900.




La maison Tadéma de Londres, toujours à l' affût de belles pièces a revendu cet ensemble de Breant & Coulbaux



Lors de l'Exposition universelle de Paris de 1889. Gallé a annoncé des
travaux utilisant de la "Hyalite" * une sorte de verre noir fait de fer, de cobalt. de manganèse: etc.. et l'a baptisée "Vase de tristesse"
La serie avec la caractéristique de la couleur noire et le theme des émotions humaines profondes, telles que la tristesse et la solitude symbolisant la propagation esthétique au tournant du siecle, se distingue clairement des œuvres courantes dé Galle. Par rapport a d'autres œuvres de la série des «vase de tristesse» - cette piece ne montre pas particulierement une représentation pessimiste - mais elle montre une chauve-souris déployant largement dés ailés dans le crépuscule avec un fond de pavot se balançant dans le vent. 
L'elegante base en bronze avec un motif de chardon stylisé a été realisée par Breant-Coulbaux, un joaillier  de l'epoque Art nouveau: il a rehaussé une impression magnifique. Avec la signature «Galle Expo 1900» gravée de lettres décoratives - cette pièce etait un modéle d'e×position pour I'Exposition universelle de Paris 1900 - la scène la plus influente de  l'époque  méritait d'exposer ce chef-d'oeuvre. De plus. la pièce elle-meme a été illustree dans le «Verre d'art nouveau» page 60 de Tsuneo Yoshimizu de TANKOSHA.

 *Verre noir, initialement fabriqué en bohème.Depuis 1820, on fabrique, en Bohème, une variété de verre, de couleur noire, très dur et d'un grand éclat, qui peut remplacer la porcelaine dans la plupart de ses applications. Ce verre est désigné sous le nom de hyalite. — (Louis Figuier, Les industries du verre, Éd. Combet et Cie, Paris 1873)


En 1900-1901 une importante collaboration de Bréant & Coulbaux avec  Georges Le Turcq


Voir ou revoir mon article sur Le Turcq, 




Revendu par Tadema Londres



Dans l annuaire Paris Mondain de 1908



Bréant , modifie son contrat de mariage et passe en séparation de biens



Et puis cette faillite, après, je n ai pas trouvé  d'autres informations sinon que leur Liquidation eut beaucoup de succès.




Des commentaires, des reflexions, ci dessous après l' article ou écrivez moi: richard.jeanjacques@gmail.com



mardi 9 juin 2020

Le destin triste de Madeleine Bruck secrétaire du joaillier Alfred Van Cleef


J avais publié dans mon "histoire des Van Cleef & des Arpels" la liste du personnel de la maison Van Cleef en 1941, je la tenais du rapport d'aryanisation de la maison et surtout du rapport de la "Treuhand" allemande. 

Au mois de janvier 1941 le personnel de Van Cleef & Arpels est considérablement réduit . Sous l’administration de Monsieur ROMANE, commissaire administrateur, étaient employés

Maître  Robert est conseiller technique et  artistique
Mr Henri Larcer est expert comptable
Le Directeur du magasin est Monsieur Turck
Mme Koblet est dessinatrice
Monsieur Hamelet est vendeur
Monsieur Lecot est vendeur
Melle Bougy est enfileuse
Mme Leblanc est polisseuse
Melle Montanart est secrétaire
Mme Bruce (ou Bruck) est secrétaire
Monsieur Cercus est chef comptable
Monsieur Acher est Comptable
Emile Fournier est au bureau des courses
Jean Guillemaud est « de garde à la porte »
Mr Maurice Jean-Jacques est chauffeur
Armand Contant est chauffeur
André Gaulon est électricien.

Cliquez sur les photos pour les agrandir

Le hasard d'autres recherches me fit tomber sur la vie de Rosa Bruck, je décidais alors de conforter mes recherches et  de grosses surprises m' attendaient .

Qui était madame Bruck de chez Van Cleef?

On disait de sa mère (Rosa Bruck) à l époque: 

"Elle avait un lien de parenté avec l'artiste la plus étonnante de ce siècle: Sarah Bernhardt. L'idéale Floria Tosca est en effet la tante de Rosa Bruck, c'est pourquoi, à sa sortie du Conservatoire elle fit au Théatre Français une courte apparition et presque aussitôt quitta ce théâtre ou elle n'aurait pu assez vite se faire une réputation, pour entrer au Gymnase.

Une femme aussi jolie, aussi distinguée, aussi admirablement faite doit certainement être une source de fortune pour son couturier. Celui de mademoiselle Bruck habille également sa tante; c'est Felix en effet qui fit les toilettes de la Tosca. Elle adore le luxe et les appartements somptueux."Elle était adulée et connut un vrai prince Russe de qui elle eut un enfant.




Chercher, mais dans quelle direction,  souvent internet facilite les choses.


Un court entrefilet à propos d'un livre  me donne une piste, mais mademoiselle Rosa Bruck est elle la mère  de Madame Bruck de chez Van Cleef?

Mes recherches généalogiques ne donnent rien ou presque, un généalogiste dit que Rosa eut une liaison avec un certain Eugène de Wulf, mais ce n'est pas un prince Russe. C'est un brasseur Belge célèbre.
J ai plus de chances avec la presse de l'époque, Rosa est présentée souvent comme étant la cousine ou la petite cousine de Sarah Bernhardt, sa carrière fut grande, adulée, critiquée, detestée , il y avait matière, mais un enfant??? Nulle trace.

Un article me mit la puce à l'oreille dans le journal "le XIX siècle"

LAYETTE LITIGIEUSE  1892

Trois mille francs de brassières Mme Rosa Bruck, l'artiste dramatique -que le Vaudeville, le Gymnase, le Théâtre Français ont comptée comme pensionnaire, a eu, étant à Nice, l'année dernière, le bonheur d'être mère.

Quelque temps avant l'événement, une grande lingère de Paris, Mme Janin, expédiait à Nice, chez M. le baron de Wulf, ami de l'aimable artiste, une riche layette dont la facture " qui suivait s'élevait à trois mille francs."Surpris de cet envoi qu'ils affirment n'avoir pas demandé, les destinataires refusèrent de le recevoir. D'où procès.

Hier, on plaidait devant M. Touté, à la sixième chambre civile, cette cause puérile. Me Jullemier a exposé la demande de la lingère qui est dirigée et contre le baron de Wulf et contre Mlle Catherine Poniatowska fille de la princesse de ce nom, que la demanderesse appelle en garantie.

Et pourquoi cela? Parce que ce serait par les soins et sur l'initiative de Mlle Poniatowska que la layette aurait été commandée.

Deroste a plaidé pour le baron et Me Seligmann pour la princesse, laquelle prétend que les choses se sont passées entre femmes de chambre. Personnellement, elle ne connaîtrait guère Mme Rosa Bruck que pour l'avoir vue au théâtre, comme tout le monde; mais sa camériste, Mme Michar, à la demande sans doute d'une personne au service de l'amie du baron, s'est en effet présentée chez Mme Janin, qui a inscrit en ces conditions la commande d'une layette. Mais était-ce une commande ferme?

Le tribunal a demandé aux avocats le dépôt de leurs dossiers, et il rendra son jugement à huitaine.

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Que voulait dire ou sussurer cet article? plus tard je compris que ce cadeau était une "vacherie" une dénonciation en quelque sorte, mais pourquoi faire adresser à Mr Le Baron de Wulf une layette??

Un livre m'aida pour trouver une piste , un livre consacré a l immense acteur Fernand Ledoux. Je décidais de l'acheter.




"Deux années passent ainsi, en apprentissages de toutes sortes : l’art, le métier, la vie, l’admiration, l’amitié, le plaisir, l’amour. Les petits ennuis, les difficultés ne l’inquiètent pas. Il n’est pas ambitieux. Il n’est pas pressé. Il fait ce qui lui plaît. Tout va bien. Il ne demande qu’à continuer. Mais Ledoux propose et le sort dispose. Et il se trouve marié un beau jour sans y avoir sérieusement songé.

Ça a commencé un soir « Chez Pomponette », un restaurant d’artistes, à Montmartre, où l’on fêtait le centième de La Comédie du Génie, de François de Curel, montée par Rodolphe Darzens — étonnant personnage du répertoire de Scarron qui avait succédé boulevard des Batignolles à Jacques Rouché, à ce que l’on nommait alors, mais sans méchanceté, le Théâtre des Arrhes...

Après le souper, on danse. Ledoux qui ne sait pas danser, va s’asseoir à côté de la pianiste, sa voisine de table. Une jolie jeune fille intelligente. Elle parle l’anglais et elle est la fille d’une femme des plus cotées dans la joyeuse société parisienne de 1900 : Rosa Brück, descendante d’une famille d’enfants de la balle qui dirigeait un cirque fameux en Suède et d’où Sarah Bernhardt est sortie. Rosa Brück est une superbe créature, comédienne à ses heures, mais dont les aventures ont fait plus sensation que les créations. Elle a joué au Théâtre Michel de Saint-Pétersbourg et elle a ramené de Russie un comte authentique qui ne veut ni la quitter ni l’épouser. Leur fille, Madeleine, bénéficie d’un charme plus discret, mais la réputation de sa mère et sa parenté avec Sarah Bernhardt la nimbent tout de même d’une auréole qui l’émoustille et trouble le naïf Ledoux. On parle, on sympathise, on flirte, on se donne rendez-vous. Quelques semaines plus tard, Fernand le papillonnant a presque oublié sa Madeleine. Et cela n’aurait sans doute jamais été plus loin si Rosa Brück n’avait un jour alerté brusquement Ledoux. Madeleine, gravement malade, appelait Fernand à son chevet. Il y courut pour apprendre qu’il avait failli être père. L’émotion qu’il en ressentit, l’accueil qu’on lui réserva, les avances qu’on lui fit, le cousinage de la grande Sarah, l’amenèrent insensiblement, la gentillesse et la flatterie aidant, de la surprise à l’adhésion. Il avait beau répéter qu’il n’avait pas de situation, qu’il ne songeait pas à se marier, il se trouva fiancé par le jeu naturel des choses, comme dans une comédie de Labiche. On lui jura qu’il aurait un premier prix au prochain concours, qu’il ferait une grande carrière à la Comédie-Française, et on lui offrit une édition complète des œuvres de Molière, annotées par Louis Auger. Après cela, il n’avait plus qu’à se laisser conduire à la mairie du XVIIe où Charles Granval, Madeleine Renaud et Germaine Laugier furent avec les parents de Madeleine Brück, les seuls témoins de leur mariage. Et quittant l’hôtel Guénégaud, Ledoux alla s’installer avec sa femme dans un petit logement, place des Fêtes."

Ainsi donc Rosa (qui s'appelait de son vrai prénom Régine) avait eu une fille, Madeleine, cette fille avait épousé Fernand Ledoux, j avais une piste, il me fallait trouver les actes officiels, mais autant vous les livrer dans l ordre.

J ai passé du temps , mais c'est bien elle.




Madeleine Emilie démarre mal dans sa vie, elle naît en 1890, à trois heures du matin, au 57 promenade des anglais elle n'est reconnue par personne.
C'est terrible de lire sur un acte de naissance qu'on est né de parents inconnus.
Pourquoi ce nom de Lucièze? c'est peut être l' accoucheuse Jeanne Loelan qui l a proposé?




Qu y a t il actuellement au 57 promenade des Anglais à Nice? Un grand et beau bâtiment, en consultant les permis de construire, j' apprends que ce n' est pas le bâtiment de 1890 au moment et à l endroit de la naissance de Madeleine, car il y eut une autorisation de surélever une villa.
Un ami niçois m explique qu il y avait une villa de plein pied, la "Villa de la plage" 
Qui s'est occupé de Madeleine Emilie? Apparemment son père n' a pas voulu en entendre parler, mais plusieurs généalogies indique que le père est Eugène de Wulf, un grand brasseur belge lui même fils de Brasseur .




Eh puis, des remords? L' affaire de la Layette avait eu lieu au mois de mars 1892, peut être que la situation était intenable?, ses espoirs déçus?
Toujours est-il qu'elle reconnait enfin sa fille le 30/08/1893, presque trois ans après sa naissance.



Mr De Wulf  revenait il à Nice après cette relation? Oui il y avait une propriété. En 1895 il est à Nice à la Villa Monjoujou .



J ai cherché ce qu'était la Villa Mon-joujou, j'ai trouvé une photo, c'était au MontBoron à Nice en 1895


La Promenade des Aglais en 1895


a Bruck continue sa brillante carrière car elle fut très célèbre en son temps. De Madeleine sa fille, nous ne savons rien, sinon qu'apparemment sa mère la "casa" ainsi que je l expliquais plus haut.




A l' époque de son mariage, ainsi qu'il est écrit sur l'acte, Madeleine  Bruck réside dans ce bel immeuble au 12 rue Faraday , elle habite chez sa mère Rosa.


Fernand Ledoux habite lui dans ce petit immeuble  au 33 rue Guénégaud, à Paris VI ème. Après s'être mariés , ils vont habiter tous les deux, dans un petit logement place des fêtes à Belleville.




Donc Fernand Ledoux,  prend à 23 ans la nationalité française.  le 29/08/1921, il épouse Madeleine Emilie Bruck. 
Elle a 31 ans, il a sept ans de moins qu'elle, il a déjà un passé cinématographique, il tourne en 1921 "L'Atlantide."


C'est un film Muet, Jacques Feyder, qui l'a remarqué au Conservatoire, lui avait offert son premier rôle au cinéma dans La Faute d'orthographe en 1919. Il l'engage à nouveau dans L'Atlantide en 1921.

Apparemment les deux jeunes mariés ne sont pas passionnés l' un de l' autre, André Lang  raconte:

Cependant les années passent, sans apporter à Ledoux, qui continue à se prodiguer sans compter, quasi anonymement, dans le répertoire classique et moderne, des satisfactions artistiques et pécuniaires de quelque poids. Heureusement, il n’est ni ambitieux, ni impatient, ni léger. Il lui faut attendre jusqu’en 1931 sa nomination de sociétaire à trois douzièmes. Mais cette année 1931 est celle aussi d’un heureux événement qui transforme sa vie.

Il a enfin pu obtenir le divorce. L’erreur d’un mariage hâtif et déraisonnable, que l’incompréhension mutuelle avait vite conduit à une séparation tacite, s’efface après neuf années difficiles. Aussitôt libre, Ledoux épouse une jeune élève du cours privé de Dorival qu’il a rencontrée là, en 1926. C’est une charmante Parisienne, fille d’un fabricant de meubles du faubourg Saint-Antoine. Elle se nomme Fernande Thaduy. Elle se destinait au théâtre, mais dès qu’elle devient Mme Fernand(e) Ledoux, elle y renonce, du moins en partie. Il y a toujours, dans les bons théâtres, une scène et un foyer. Elle laisse la scène à son mari, et c’est le foyer qu’elle choisit. Peut-être me permettra-t-elle d’ajouter que si j’ignore ce que le théâtre y a perdu, je crois bien voir ce que Ledoux y a gagné. 

Ce doit être après son divorce que Madeleine qui a repris son nom de jeune fille, entre chez Van Cleef & Arpels.

Sarah Bernhardt était juive, Rosa Bruck aussi, donc sa fille était juive et pourtant, alors que l'aryanisateur de la Maison Van Cleef & Arpels mit à la porte de chez Van Cleef deux personnes israélites, elle ne fit pas partie de ceux qui devaient partir.

Dans ce rapport très précis de BRY, l'aryanisateur, il est indiqué :

« Aucun changement de personnel n’a été effectué depuis le 6/1/1941 sauf deux licenciements par ordre des autorités d’occupation, (ordre du 16/12/1940)
Monsieur Roger Levy dit Debled, israélite, chef du contentieux depuis 1923 aux appointements de 6000 frs par mois.
Melle Perla, dactylo, israélite de parents polonais israélites, depuis 1 an environ, aux appointements de 800 frs par mois, les deux employés ont perçus le traitement du mois en cours plus trois mois d’indemnités de congés et préavis »

Mais madame Bruck ex Ledoux échappe à ce licenciement.
Peut être parcequ'elle était née de père inconnu et qu’il fallait deux parents pour être aryen ou juif, n'ayant qu’un parent, elle a peut-être beneficié de la "présomption d’innocence" selon les lois de Vichy et allemande? Cela expliquerait peut-être qu’on l’ait laissée tranquille ?



Un peu avant sa mort elle habitait au 17 rue Championnet à Paris XVIIIè




Madeleine Emilie Bruck est décédée à l' hopital Boucicaut, apparemment très seule.

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- Fernand LEDOUX (1897-1993) : comédien belge naturalisé français, sociétaire de la Comédie-Française de 1931 à 1942, cet homme de théâtre avant tout devint pourtant populaire grâce au cinéma. Sa carrière d’acteur fut partagée entre des personnages de brave homme spolié et de méchant hypocrite. Excellent comédien, un des plus grands de son temps, il excella ainsi dans des rôles souvent ingrats.

Il tourna plus de 80 films : Jacques Feyder lui offrit son premier rôle au cinéma dans La Faute d’orthographe en 1919. Il l’engage à nouveau dans L’Atlantide en 1921.

On le remarqua particulièrement dans La Bête humaine de Jean Renoir en 1938, puis dans Volpone de Maurice Tourneur en 1940. En 1942, il cessa ses activités à la Comédie-Française et se consacra exclusivement au cinéma, pour éviter de jouer devant l’occupant. Cette même année, on le remarqua dans Goupi Mains Rouges de Jacques Becker et dans Les Visiteurs du soir de Marcel Carné.

De 1958 à 1967, il donna des cours de dramaturgie au Conservatoire National d’Art Dramatique. Il eut comme élèves Suzanne Flon, Claude Brosset, Guy Tréjan, Elisabeth Alain et Michel Duchaussoy.

Il joua également dans quelques productions américaines, comme Le Jour le plus long en 1961.

Grand amateur de la côte normande, qu’il aimait peindre, c’est là qu’il désira reposer.

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