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jeudi 3 avril 2025

Van Cleef & Arpels: modèle inconnu (ou plutôt, que je ne connaissais pas) et des publicités de joailliers en 1951


Début Avril 2025 je signalais sur Facebook et Instagram ne pas connaitre ce modèle de collier de la Maison  Van Cleef & Arpels. Je l avais trouvé dans le numéro de la revue "VOGUE" de 1951.

Eh bien la réponse se trouve dans le dernier livre de VCA sur la collection  Van Cleef & Arpels


Pour ceux qui ont ce très beau livre, rendez vous à la page 549


Clip Danseuse Farandole, 1953 
Platine, or jaune, saphirs et diamants,
25 × 25 mm.
Ce clip Danseuse Farandole de 1953 constitue un témoignage précieux du collier Ballerines, démonté au cours des années 1950, mais dont les archives de la Maison permettent de retracer l'histoire. Le collier originel, présenté sur cette publicité Van Cleef & Arpels, se compose d'une farandole de motifs Tourbillon  et Danseuse, sur lesquels les tutus en lamelles d'or jaune poli sont ourlés de saphirs. Créé en 1951, ce collier a par la suite été démonté et les motifs ornementaux le composant transformés en plusieurs clips entre 1951 et 1953.
Initialement ponctuées de diamants, certaines versions ont également été réalisées en rubis et saphirs, à l'instar de la pièce présentée. Plusieurs éléments ont par ailleurs été remployés en motifs d'oreilles, certains à triple tourbillon et d'autres a motif simple. Si les clips "Danseuse" sont figuratifs, leur association aux clips Tourbillon rend compte d'une déclinaison plus abstraite du mouvement. Ces derniers peuvent en effet être interprétés comme représentant des ballerines en contre-plongée, donnant à voir un jupon déployé.

Pour ceux  pour qui le nom d'Yvette Chauviré ne dit rien, Yvette Chauviré fut  une danseuse de ballet française, étoile de l'Opéra de Paris puis maître de ballet, née le 22 avril 1917 à Paris et morte le 19 octobre 2016 dans la même ville.
Elle est considérée comme la plus grande ballerine française du XXe siècle.
Recherches de Florie Sou, Consultante Patrimoine Pôle Collection chez Van Cleef & Arpels

L'après guerre 39-45, même après cette tragédie, il restait des clients pour la joaillerie et il m'a paru intéressant de citer ces publicités de 1951 des métiers de la joaillerie




Vogue : 1951


Vogue 1951


1951  Folco di Verdura




Vogue 1951


Ostertag, aryanisé par Maurice Mellerio, décédé pendant la guerre 39-45, les Fringhian avaient essayé de relancer son nom : https://www.richardjeanjacques.com/2022/09/ostertag-ressuscite-les-fringhian.html


1951 , Les survivants de cette longue guerre 39-45 : Boucheron, Mellerio, Herz Belperron, Gaucherand, Ostertag Fringhian, Sterlé, Van cleef & Arpels, Cartier, Boivin..........



Raymond Yard 1951


Line Vautrin, séparée de son mari dissout la société



Adrien Louart travaille pour Suzanne Belperron
https://www.richardjeanjacques.com/2024/01/adrien-louart-le-plus-grand-lapidaire.html



De l"Exodus à Marcel Rubel


Gaucherand en 1951




1951Lucienne Arpels se rend a New York en compagnie de Mr De Leseleuc.


1951 Mauboussin

 

Suite de la guerre et de l aryanisation, il est souvent très difficile même en 1951 de récupérer les biens des victimes de ces spoliations, par exemple Mr Fabius.

lundi 5 août 2024

A propos de RENE BRY et des maisons Van Cleef & Arpels, et Bijouterie Lambert à Paris


Double Clip platine et diamants de René Bry

 René Bry fut un grand artisan  à partir de 1937, et la plupart des sites internet le définissent ainsi:"Fondé en 1937 par René Bry, joaillier de renom ayant notamment collaboré avec Pierre Sterlé et Van Cleef & Arpels, la maison Bry & Co est l'une des adresses les plus prestigieuses de la joaillerie parisienne de l'époque, notamment à partir de 1944, où la maison ouvre sa boutique rue de la Paix"

A-t-il fabriqué pour Pierre Sterlé?, oui !, Pour Van Cleef & Arpels, a ma connaissance non ! Et pour finir, a t il collaboré? avec Pierre Sterlé oui ! et aussi avec le commissariat général aux questions juives pendant la derniere guerre.


En 1937 René Bry installe au 51 bis rue sainte Anne à Paris, un atelier de réparations et fabrications .
En quelle année s'installe t il rue de la Paix? 1944? peut etre 1945.


Par exemple Madame Françoise Cailles date ce bijou vers 1940! Ecrire "Années 40" eut été plus juste, car ce doit être vers 1945.


Cette publicité d'un grand magazine date de 1945, Bry est au 15 rue de la paix


Son poinçon de Maître initiale R.B. et une tête de mouton enregistré le 09 mars 1937  au 51 bis rue sainte à Anne à Paris. 
Je montrerais d'autres bijoux plus loin dans mon article , mais je reviens en 1941.

La dépossession des Juifs fut d'emblée inscrite au cahier des charges du Commissariat général aux questions juives (CGQJ), créé le 29 mars 1941 et dirigé par Xavier Vallat, puis Darquier de Pellepoix. Dès l'été 1940, les divers services allemands s'employaient également activement à dérober les biens juifs. L'ambassadeur Otto Abetz profita ainsi de l'exode pour faire main-basse sur les collections d'art des propriétaires juifs absents.

Fin 1941, les Allemands frappèrent la communauté juive française d'une amende exorbitante d'un milliard de francs, à payer entre autres sur la vente de biens juifs, et gérée par la Caisse des dépôts et consignations.

Le CGQJ nomma alors des administrateurs pour organiser la spoliation . L’article 2 de la loi du 17 novembre 1941précise, en effet, que « les immeubles actuellement détenus par des Juifs ou qui seraient acquis par eux postérieurement à la publication de la présente loi […] seront pourvus d’un administrateur provisoire ».
la gestion, l’inventaire, l’estimation du butin rassemblé, n’auraient jamais pu être menés à bien sans la collaboration de tous ces Français qui participèrent à l’œuvre de spoliation. Administrateurs provisoires, experts, ils étaient tous volontaires, libres de se retirer à tout moment.

Or René Bry insista pour remplacer l administrateur chargé de la maison Van Cleef & Arpels il fut d'ailleurs payé. J ai d'ailleurs consacré de nombreux articles à l aryanisation de Van Cleef & Arpels tel celui-ci : https://www.richardjeanjacques.com/2010/02/van-cleef-arpels-1939-1945.html

Cette fonction lui permettait de par ses relations allemandes, d'être au courant des affaires spoliées ce qui lui permit d'acquerir une bijouterie de Paris la maison "LAMBERT." 3 boulevard Saint Denis

René Bry le 11/11/1942

Je soussigné René Bry 51 bis rue sainte anne à Paris ai l'honneur de vous informer que je me porte acquéreur du fonds de commerce "Bijouterie Lambert (Adrien Lévy) 3 bd Saint Denis à Paris pour la somme de un million cinq cent seize mille francs , étendu aux éléments incorporel et matériels, les marchandises qui resteraient en stock en sus à dire d'expert au jour de l homologation
Paris le 11/11/1942

Monsieur Adrien Lévy avait fait une très belle lettre pour demander qu'on examine son cas , expliquant avec des détails, les générations précedentes nées en Alsace et ayant la nationalité française, mr Levy notait aussi ses états de services militaires brillants, mais rien n'y fit.


D'apres la description c'était a gauche du tabac la violette

Le stock en plus 1.014.855 francs a été réglé après par Bry au liquidateur de l' affaire, il y avait trois bijoutiers en lice pour faire une proposition d'achat, c'est Bry qui l'a emporté étant largement au dessus du 2 eme, le 3 eme était un Bijoutier du Havre (Du Havre, de Rouen, de Fécamp)


Il était né le 18/05/1886 , a Paris , fils de Cerf Levy et Evelyne Worms tous deux commerçants en bijouterie. Son acte de naissance nous permet de découvrir que par décret du 6/7/1949, il est autorisé a substituer a son nom patronymique , celui de "Lambert" , il est décédé le 29/06/1963 sous le nom d'Adrien Leon Lambert.
Rien a voir avec ceux pour qui j'ai écris un article:

Donc René Bry dès fin 1942 exploite cette bijouterie, l' argent de l'achat n'est pas versé à Adrien Levy mais à la Caisse des depots et consignations.

Arrive la libération de Paris, Adrien Levy revient chez lui et reprend possession de son affaire mais il reste quantité de formalité  à accomplir pour obtenir la restitution.

J ai donc cherché à comprendre comment s'était passé une restitution réussie contrairement à  d autres affaires ou malgré 60 à 80 années de procédure, le bien spolié n'a pas été rendu.
Car: En conclusion de son ouvrage consacré à l’aryanisation des entreprises juives en France, Philippe Verheyde écrit que « l’histoire des restitutions des biens juifs est une histoire qui reste à faire: Les Mauvais comptes de Vichy. L’aryanisation… ». C’est à ce même constat qu’aboutissent les membres de la Mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France – dite Mission Mattéoli – lorsqu’ils commentent dans un de leurs rapports : « C’est la phase de la spoliation qui est la mieux connue. L’étude de la restitution et celle de la déshérence n’en sont qu’à leurs début.

Une nouvelle ordonnance du Gouvernement provisoire est promulguée le 21 avril 1945. C’est un texte majeur, qui porte deuxième application de l’ordonnance du 12 novembre 1943 et qui est destiné à annuler les dépossessions accomplies par les Allemands et le gouvernement de Vichy. Il s’agit dans la pratique de meubles, d’immeubles, de fonds de commerce, de parts ou d’actions sociales, de droits immobiliers ou mobiliers de toutes sortes, appartenant dans la plupart des cas à des Juifs et placés sous administration provisoire, puis vendus ou liquidés. Une ordonnance de référé est rendue par le président du tribunal civil si le propriétaire spolié ou l’acquéreur du bien ne sont pas commerçants et si le bien spolié n’a pas de caractère commercial. Dans le cas contraire, l’ordonnance de référé est rendue par le président du tribunal de commerce
L’ordonnance de restitution est immédiatement exécutoire, l’appel est possible mais non suspensif ; autrement dit, l’acquéreur se trouve contraint à restituer ce qu’il a eu le tort d’acheter dans des conditions qu’il ne pouvait ignorer



Donc Adrien Levy revient, reprend son bien et Bry doit se débrouiller avec l' administration de la caisse des dépots et consignations. 
En effet toutes les sommes de son achat y avaient été versées, et au vu des lois il ne restait plus qu'a en demander le remboursement, et pourtant , cette caisse deduisait toutes sortes de frais et taxes. La restitution sera légalement effective le 6/7/1945............



Cela pourrait paraitre simple et pourtant ce dossier que j ai pu me procurer contient plus de 100 pages.
Cela s'est bien passé mais combien d'autres, à l instar de l affaire Seligman contre Mellerio, ne sont pas rentrés dans leurs biens : lire : https://www.richardjeanjacques.com/2013/08/mellerio-joaillier-l-histoire-du-9-rue.html





1949 apres la guerre René Bry s'est beaucoup investi au Maroc, ci-dessus article du journal "La Vigie Marocaine.
"Une exposition de bijoux de Bry et Sterlé dans son élégant magasin boulevard de la Gare, le Diamant Bleu a réuni deux grands noms de la rue de la Paix et de l'avenue de l’Opéra, Bry et Sterlé. On y trouve les plus belles réalisations des Joailliers modernes : des bagues dont le chaton en boule saillante est ajouré, semé de brillants, d'autres formées de cabochons de pierres précieuses griffées d'or et portées légèrement sur des montures en dentelle d or . l’anneau est une torsade ou une fine chaine Des bracelets montres dont le cadre est enchâssé dans une boule légère, résille d'or où s'insèrent de petits diamants et qui s’ouvre par une fermeture en bascule pour laisser voir un minuscule cadran rond, le bracelet est une chaîne souple deux fois enroulée autour du poignet Des colliers et des bracelets en ruban d'or, rivières de diamants allégées par une composition en mailles ajourées Quelques modèles particulièrement originaux une montre de stvle ancien dont le cadran est placé au fond d un nid profond et fait de chaînettes fines. La torsade se déroule pour fermer le bracelet attaché à la montre par quatre brides d or insérées au moyen de pavés de brillants Un clip curieusement composé de prisme de topaze poli parcouru par des filets de petits diamants : un autre, genre épaulette d 'officier égrène des pampilles d'or le long d'un bord massif étroit. Des  clips en platine en forme de feuilles légères, effilées, faiblissantes Une ligne stylisée et appliquée à des motifs d'inspiration ancienne crée l'originalité des bijoux auxquels une Interprétation en filetés légers donne un caractère gracieux, fragile et aérien.( La vigie Marocaine journal de 1949)


1949 La "Vigie Marocaine"


1957 Publicité de Bry et Cie 

En 1957 René Bry devient René Bry & Compagnie


COLLIER / PAIRE DE BRACELETS EN DIAMANTS RENÉ BRY DU MILIEU DU XXE SIÈCLE
Diamants taille ronde et baguette, détachables et pouvant être portés en deux bracelets avec deux maillons de fermoir supplémentaires, années 1950, platine et or blanc 18 carats (poinçons français), poinçon de maître (René Bry)
Accompagné d'une publicité imprimée pour Bry & Co., 1952 Pourtant la société Bry & Co ne date que du 01-01-1957
Taille/Dimensions : circonférence intérieure du collier 32,8 cm ; circonférence intérieure des bracelets 17,5 et 17,0 cm
Poids brut : 238 grammes


BRY ANNÉES 1960 CLIP OISEAU STYLISE
Les ailes en or jaune 18K texturé sont retenues par un corps pavé de diamants taille brillant. Monture en or jaune 18K et platine. Poids brut : 34,05 gr. Dimensions : 6,3 x 7,8 cm.


Clip de Sterlé:  Métal : or jaune 18K (750‰), platine (950‰)  : émail, diamants
Dimensions : hauteur : 6,4 cm - largeur : 4,4 cm - épaisseur : 1,4 cm
Poids brut : 19,78 2 poinçons de René Bry qui en fut le fabricant.


A partir de 1964, Frédéric et Jean Marc Bry créent une série de bijoux en poils d'éléphants



Le vendeur du site 1stdibs a écrit ce texte, je le livre tel quel:
Une paire inhabituelle et unique, fabriquée à Paris en France dans les années 1970. Elles ont été fabriquées par Bry & Co. en or jaune massif de 18 carats, avec des surfaces polies à l'extrême. Ils sont dotés d'un dos en oméga français pour fixer les clips et peuvent être facilement transformés pour les oreilles percées en ajoutant une paire de tenons.
Le fait intéressant de cette paire est qu'elle est montée avec 4 griffes naturelles placées géométriquement dans les montures en or.
Ils ont un poids total de 21,95 grammes et mesurent 35 mm (1,38 pouces) par 18 mm. (0,70 pouce).
Ils sont tous deux estampillés de magnifiques poinçons français, deux fois avec la tête d'aigle pour le dosage et la garantie de l'or 18 carats, le cartouche de maître du fabricant et signé, "BRY PARIS .750 SDGD".
Bry & Co. Créée en 1937 par Monsieur René Bry, sous le nom d'Ateliers de Joaillerie René Bry, la maison Bry & Co est l'une des adresses les plus prestigieuses de la joaillerie parisienne, notamment à partir de 1944, date à laquelle la boutique éponyme ouvre rue de la Paix.


 Marque :  Bry   Vers 1957  Poids diamants :  25 ct  • Largeur :  2 cm • Longueur :  17.5 cm • Poids brut :  69.6 g : Revendu par Michael Dan


BRY ANNÉES 1970
PAIRE DE BOUTONS DE MANCHETTE POILS D'ÉLÉPHANT
Ils se composent de poils d'éléphant retenus par une monture en or jaune 18K. Travail français signé BRY PARIS, poinçon de maître. Poids brut : 12,48 gr. (accident) Dim. 2,1 x 1 cm.



Il y a quelques jours (07-2024) mon ami Varujan de la maison Gorky à Paris 18 rue Duphot à Paris a "rentré" ces doubles clip et broche de grande qualité


Broche « Double clip » en platine et or gris, ornée de diamants demie taille, taille baguette et de rubis Birman.
Poids: 28,4g.
Vers 1945
Porte le poinçon de RENÉ BRY. Certificat: CARAT GEM LAB no 32014-15 pour les rubis.




René Bry et successeurs ont vendu beaucoup de bracelets ou colliers et breloques en poils d'éléphant, malheureusement, ils ont continué a en vendre malgré une loi interdisant la vente de ce qui concerne cet animal, alors en 2009

2009
Frédéric Bry était dans la légalité... à un poil près. Hier, le directeur général de la bijouterie de luxe Bry &Co a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 2 000 euros avec sursis pour défaut de justificatifs prouvant la légalité de l'importation de cinq mille poils d'éléphant.
Le pachyderme est l'une des premières espèces à avoir été protégées par la convention de Washington, entrée en vigueur en 1975. La société, située rue de la Paix (2e), a été condamnée à 5 000 euros d'amende. Les cinq associations de défense des animaux qui se sont portées parties civiles recevront 1 000 euros de dommages et intérêts.
Peu convaincant à la barre, Frédéric Bry a expliqué que ces poils découverts dans un sac au fond de la boutique avaient été achetés par son père dans les années 1980. Estimés à 1 500 euros l'unité, ces poils étaient tressés par la bijouterie et transformés en bracelets, boucles d'oreille et autres ornements. « Quand j'ai repris la tête de la société, j'ai conservé le stock qui restait. J'ai toujours eu l'impression d'être dans la plus parfaite légalité. Toutes ces années après, on me demande des justificatifs, mais c'est improuvable ! », a-t-il expliqué. « Et la queue d'éléphant retrouvée lors de la perquisition dans le sac ? », lui demande le président, le nez sur le scellé comportant la saisie. « C'est un cadeau offert par Valéry Giscard d'Estaing à mon grand-père qui était un grand chasseur », souffle le prévenu qui assure avoir envoyé un recommandé à l'ancien président de la République pour témoigner de sa bonne foi. « Cela me paraît difficile pour un professionnel de dire qu'il ignorait la réglementation », a indiqué le procureur.


René Bry est décédé en 1992 à l'age de 85 ans

La société BRY ET COMPAGNIE a été radiée du registre du commerce le 4 août 2011.

Maison importante car sur l'année 2010 elle réalisa un chiffre d'affaires de 5, 563, 000,00 €.

Si vous possédez des documents, des photos de bijoux etc , ecrivez moi à richard.jeanjacques@gmail.com

jeudi 6 juin 2024

Souvenirs d'un diamantaire Michel BRULEY de 1965 à 2022:


Michel Bruley

Un jour  Françoise R . avait dit un jour à Michel Bruley négociant en diamants.

 « tu devrais nous raconter le négoce et ses relations avec la place Vendôme lorsque tu as commencé à travailler ? »

Michel Bruley était né dans l'Aube en 1933 et decedé à Fontenay-lès-Briis dans l'essonne le 22/10/2022


1965,

Dans ces années-là, il n’y avait, pratiquement, dans « le métier », que des Arméniens, des Juifs et des Jurassiens. Et moi !
Arméniens et Juifs, peuples ayant fui l’oppression, la haine, Jurassiens, peuple sédentaire, horloger puis tailleur de diamant l’hiver.

« société immobilière parisienne de la Perle et des Pierres Précieuses »Voir les annexes ci dessous

L’épicentre du négoce parisien se trouvait à la fois rue Cadet où il y avait 2 Clubs de diamantaires et dans des immeubles du trottoir Sud de la rue LaFayette, entre le numéro 8 et le numéro 74.
Pourquoi le trottoir Sud ? Pour bénéficier de la lumière froide du Nord et échapper ainsi aux rayons du soleil qui modifient la couleur des diamants.
La rue CADET était une petite rue parisienne, pleine de vie, aujourd’hui on dirait folklorique, avec ses marchandes de quatre saisons. Femmes souvent vêtues de noir, souvent grands-mères, elles offraient leurs marchandises sur des charrettes à bras. Marchandises qu’elles étaient allées chercher aux Halles potron minet.…….

Le négoce des diamants était très actif et très cloisonné.  Les deux clubs de la rue Cadet avaient de nombreux membres, dire mille n’est pas exagéré. Tous ces gens, courtiers, petits patrons, essentiellement des hommes, étaient les fourmis qui alimentaient le réseau des bijoutiers détaillants et des fabricants de France et de Navarre en diamants et pierres de couleur, surtout en diamants.

Et puis, il y avait les Maisons, les diamantaires, les marchands de pierres de couleur et quelques Maisons de perles de culture.
Voici des noms de cette époque et on se félicitera d’en trouver quelques-uns d’actuels …

TENENHAUS, RUBEL, LACROIX, BLOCH, SIRAKIAN, KOIRAN, ESCHWEGE …

A cette époque, TelAviv découvrait à peine le diamant, New-York, c’était l’Amérique et Bombay vendait encore les parures de ses Maharadjas. 
Tout le petit monde du négoce diamantaire parisien s’approvisionnait à ANVERS.
A  ANVERS, où l’on rencontrait les diamantaires du monde entier car ANVERS était CAPITALE MONDIALE DU DIAMANT, appellation officielle. 
Que l’on ne s’y trompe pas, cette appellation n’avait rien de folklorique, 
ANVERS était le centre du monde … du diamant ! Le parcours du diamant était, en gros, Afrique du Sud, brut à Londres, et taille à Anvers. 
Tous les diamants du monde, ou presque !

Les parisiens allaient à Anvers en train, avec un passeport car on allait à  l’étranger, en Belgique * 3. Le train s’appelait le « TEE », pour Trans Europe Express  *4. Dans un wagon de ce train il y avait un restaurant, un vrai restaurant avec des nappes blanches, de la vaisselle élégante, et une vraie cuisine avec de vrais cuisiniers exerçant leur talent dans le wagon d’à côté sur de vrais pianos à charbon. 
On quittait Paris dans l’après-midi, on arrivait très tard à ANTWERPEN, en pays flamand.

Le lendemain matin le parisien se rendait à la BOURSE du diamant sur Pelikaanstraat * 5. La bourse était noire de monde, et le restaurant, casher. 
Je vous précise cela car, aujourd’hui, à Anvers, signe des temps, il estplus facile de manger indien que de manger casher ! 
En ce temps-là, donc, le patron parisien arrivait généralement  accompagné de ce que l’on appelait un associé. Associé ou pas son rôle consistait à établir le contact avec les courtiers locaux, à leur faire déballer les bonnes affaires et à mener les négociations, en yiddish, évidemment.
Moi, gamin, je me souviens avoir assisté à des empoignades mémorables, entre messieurs BLOEMHOF, SCHNEEBALD, ROSENBLATT, DICKSTEIN.
Souvent pour des queues de cerises. Ce sont ces gens qui m’ont appris à regarder et à comprendre le diamant. 
A l’époque, pas de RAPAPORT, pas de GIA (1955) ni de HRD. 
Pas même de lampe à diamants. Seules les immenses fenêtres de la Bourse, ouvertes sur la lumière froide du Nord, éclairaient les diamants. On ne travaillait qu’avec la loupe et le petit carton blanc. Accessoirement, on utilisait aussi un flacon d’alcool où l’on trempait le diamant qui se recouvrait alors de petites bulles de liquide qui, faisant loupe, permettaient de voir encore mieux à l’intérieur de la pierre. Le petit carton blanc et l’humidité de l’haleine servaient à déterminer la couleur, approximativement.

On ne disait pas « D », « E » ou « F », on disait CRYSTAL, WESSELTON, CAPE. On disait LOUPE CLEAN, PIQUÉ.

Nous avions, en France, une expression fourretout que l’on utilisait pour la marchandise moyenne, on disait « BLANC COMMERCIAL ». Et là, on avait tout dit !

On achetait. 
La négociation se faisait en « Florins », Florin de bourse, monnaie fictive assise sur le Franc belge. Le paiement de tous les diamants du monde, s’effectuait donc en Francs belges. Le dollar américain n’est apparu dans nos échanges qu’au début des années 70. 
Et la marchandise arrivait à Paris. Ah, ne me demandez pas comment, disons que je ne m’en souviens plus. 
Oui, il faut dire que nous vivions encore avec les vieilles habitudes de la guerre. Moins on montrait, mieux cela allait. Et les relations du métier avec l’administration des Douanes étaient, disons, complexes. Genre chat et la souris !

La grosse plaisanterie d’alors consistait à dire que, contrairement à ce que certains pensaient, « T.V.A. » n’était pas l’acronyme d’une célèbrecompagnie d’aviation américaine (TWA) ! 
L’autre volet du négoce parisien c’était les marchands de pierres de couleur et les lapidaires. Avec, là encore, des Messieurs :

ROSENTHAL, GUERIN, NERSESSIAN, JOZ-ROLAND, GROSPIRON et d’autres que j’ai oubliés. 
L’approvisionnement de Paris en pierres de couleur était, vu d’aujourd’hui, assez folklorique.
Il y avait, essentiellement, ce que l’on appelait des « consignataires ». Le consignataire avait des correspondants en Inde, à Ceylan, en Birmanie, correspondants qui envoyaient, par la poste, des marchandises incroyablement variées.
Ces fournisseurs n’étaient jamais venus à Paris, n’étaient d’ailleurs jamais sortis de leur pays mais ils envoyaient des pierres par la Poste ! 
En effet, très peu de gens voyageaient à cette époque, alors les courtiers parisiens assuraient le dispatching, prenant des marchandises au 2ème étage d’un immeuble pour aller les vendre au 5ème !

Les courtiers parisiens, les gens des clubs de la rue Cadet, intervenaient donc pour distribuer les pierres de couleur entre les négociants, les  fabricants et les détaillants de toutes tailles.

Concernant les voyages, juste pour mémoire, je rappellerais que lorsque mon patron m’a envoyé pour la première fois à BKK, en 1976 je crois, il y avait au moins 4 escales. Parmi lesquelles Athènes, Tel Aviv, Téhéran, Karachi, Bombay …
Bien, nous avons donc accumulé des diamants et des pierres de couleur dans le négoce, qu’est-ce qu’on en fait maintenant ? Les maisons de négoce importantes, je travaillais dans l’une d’elles, avaient 4 débouchés principaux pour leurs marchandises, le négoce lui-même 
et les marchands étrangers, très nombreux à cette époque, les fabricants de bijoux, puis la province et, bien sûr Paris !
Les nombreux fabricants de Paris et les très nombreux fabricants de Lyon utilisaient, pour leurs collections de bijoux fabriqués en France, beaucoup de diamants et de pierres de couleurs.
Les marchands étrangers, venaient principalement d’Italie, d’Espagne, d’Angleterre, d’Allemagne, de Suisse.
Il y avait, à Paris, une très grosse activité européenne d’achat et de vente.
Par ailleurs, dans toutes les grandes villes de province il y avait quelques solides maisons de détail aux mains d’un homme, un personnage important dans la ville. Important du fait de sa relation particulière avec lesnotables argentés.

C’étaient, Monsieur PELLEGRIN à Marseille, Monsieur POUCHAIN à Arras, Monsieur Millau au Havre ,Monsieur BEAUMONT à Lyon, Monsieur DAGUZÉ à Nantes, etc, etc.

Ces gens vendaient leurs bijoux, soient créés par eux-mêmes en utilisant les pierres du négoce parisien et les artisans locaux, soit des bijoux prélevés dans les collections des très nombreux fabricants lyonnais et parisiens. Car, je le répète, les fabricants lyonnais et parisiens avaient des collections de bijoux français créés par eux-mêmes.

Et la place Vendôme dans tout ça ?

Là, je dois préciser car, en ce temps-là, on ne vous envoyait pas place Vendôme ou rue de la Paix avant que vous n’ayez au moins 4 ou 5 années 
de métier. 
Je parlerai donc plutôt de 1970 que de 1965. 
A l’époque, la rue de la Paix et la place Vendôme n’étaient pas le PONTE VECCHIO qu’elles sont aujourd’hui.  
Il y avait, pour autant que je me souvienne, sur le trottoir de droite en venant de l’Opéra, la Maison BRY, puis CARTIER, MELLERIO, MAPPIN & WEBB, et de l’autre côté, il y avait BOUCHERON, puis sur la place,  VCA, MAUBOUSSIN et enfin, CHAUMET. Ajoutez quelques Maisons de bijoux anciens et c’était tout.

En fait, en 1965, je n’aurais rien eu à faire place Vendôme, vous allez voir pourquoi.

En effet, les Maisons n’avaient pratiquement pas de relation directe avec le négoce, elles avaient leurs courtiers souvent attitrés, des gens indépendants qui faisaient la navette entre le négoce et leur client de la place Vendôme.

Pour CHAUMET, il y avait, par exemple et entre autres, une Dame MEYER, BOUCHERON utilisait les services de Mademoiselle WEISSBUCH, Les ARPELS recevaient Madame LANVIN. En tout, une grosse vingtaine de personnes servaient ainsi la rue la Paix et la place Vendôme.

Le courtier, la courtière, présentait la marchandise qu’il avait reçue d’un négociant. Si le client voulait l’acheter, quelques allers et retours entre la place et la rue LaFayette permettaient un marchandage de bon aloi, et, finalement, le négociant facturait directement à la Maison.

Le courtier recevait une commission de part et d’autre et apportait d’autres marchandises.
Toutes ces personnes, souvent rescapées des années 40, étaient très âgées.

Dans le même temps, les patrons du négoce rajeunissaient un peu, ce qui fait que, finalement, les courtiers disparaissant, les négociants, soit se déplacèrent eux-mêmes, soit envoyèrent des collaborateurs « faire » la rue de la Paix et la place Vendôme.

Mais, situons d’abord les personnages.
Car c’étaient de véritables personnages, les Messieurs de la place Vendôme. Il y avait une grande stabilité dans les entreprises tant au niveau des personnels que des entreprises elles-mêmes.
BOUCHERON était Mr BOUCHERON, CHAUMET était Mr CHAUMET et ainsi de suite.
Sauf chez CARTIER.

Je ne suis pas historien, aussi vais-je manquer de rigueur dans les dates.Néanmoins, je dirais que la famille Cartier a disparu de chez CARTIER entre 65 et 70. Confiée à un Monsieur CALMETTE qui avait été mis en place par les  familles CARTIER et CLAUDEL (les filles de Paul CLAUDEL) alors propriétaires de CARTIER.
La Maison est ensuite passée entre plusieurs mains dont celles,folkloriques, d’une bande d’individus propriétaires de boites de nuit en Floride ! 
La renaissance de CARTIER attendra la fin des années 70 avec l’arrivée, en provenance des briquets SILVER MATCH, de Monsieur Robert HOCQ et de son flamboyant Alain PERRIN qui deviendra Alain-Dominique plus tard

Dans l’immeuble suivant, les frères MELLERIO, Emile et Hubert, pas drôles-drôles mais visibles. 
A l’angle de la rue des Capucines, la succursale parisienne d’une vieille maison anglaise, MAPPIN&WEBB, qui fût, plus tard, aux mains d’un directeur dynamique, monsieur MOREAU.

En traversant la rue, on pouvait, très exceptionnellement, rencontrer Monsieur BOUCHERON, le père d’Alain, ensuite, Messieurs ARPELS, visibles mais de loin, ensuite les frères GOULET, dont l’un s’appelait MAUBOUSSIN, sur la brèche, au contact, enfin les frères CHAUMET, invisibles.

La règle, à cette époque, dans toutes les Maisons de la place, était que les gens du négoce n’étaient reçus que le matin, mais tous les matins.
Et c’est un peu CARTIER qui ouvrait le bal, lorsque, sur le coup de 11 heures, un garçon de bureau, monsieur PAULAS, débloquait, rue de la Paix une petite porte aujourd’hui disparue.

Chez CARTIER, donc, tout était parfaitement réglé. La porte étant ouverte, nous montions un petit escalier et nous nous installions, en rang d’oignons, sur des chaises prévues à cet effet. Au bout d’un moment apparaissait notre interlocuteur, qui fût longtemps monsieur 
GAUBE, Jean GAUDE DU GERS, pour être précis, sorte de gentleman désabusé, aimable et lent. Ce qui fait que, si l’on n’arrivait pas dans les premiers, on passait un long moment à attendre.

Parfois, une porte s’ouvrait sur le palier où nous attendions et apparaissait Mademoiselle Jeanne TOUSSAINT (1976) : « Bonjour Messieurs ». Garde à vous général : « Bonjour Mademoiselle ». 
Nous savions à qui nous avions à faire ! 
Certains d’entre nous allaient ensuite dans la « souricière » de MELLERIO, attendre, encore, pour être reçus par Monsieur HUBERT, comme je l’ai dit, pas drôle-drôle, mais compétent et, finalement, sympathique.

Je ne résiste pas à la tentation de vous raconter une anecdote avec monsieur Hubert.

Un jour où je lui étalais mes connaissances en gemmologie et notant, pour une fois, l’intérêt qu’il y portait, je lui offrais, en détaillant le mode d’emploi, un filtre CHELSEA.
A quelques temps de là monsieur HUBERT s’intéressa puis, finalement acheta, un lot de jolies petites émeraudes bien brillantes. Fier comme tout, je rapportais au bureau la bonne nouvelle. Au bureau où un message m’attendait. Je devais retourner chez MELLERIO, ce que je fis dans l’heure.

Sur le bureau de monsieur HUBERT il y avait mon lot d’émeraudes éparpillées et le filtre CHELSEA.
- Vous m’avez bien dit que les émeraudes deviennent rouges lorsqu’on les regarde sous votre filtre … 
- Absolument monsieur HUBERT, c’est une des façons de s’assurer que ce sont bien des émeraudes ! - Et bien regardez donc votre lot, il n’est pas rouge du tout, il est même plutôt gris !

Bon sang, il avait raison, les émeraudes étaient grises sous le filtre … Inquiet, très inquiet, je récupérais le lot d’émeraudes et filais directement au Laboratoire Français de Gemmologie où le directeur, monsieur Jean Paul POIROT, me reçut gentiment et immédiatement.
La preuve que j’avais encore des lacunes en gemmologie me fût administrée sur le champ !

Les émeraudes de Sibérie ne réagissent pas au filtre CHELSEA et restent inertes. Monsieur HUBERT, qui conserva le lot, et moi apprîmes quelque chose ce jour-là.

Chez BOUCHERON nous avions à faire à Monsieur Pierre ROBERT, le père de l’actuel Thierry. Monsieur ROBERT était un homme charmant, grand connaisseur des belles pierres, pas recroquevillé sur ses compétences et ses connaissances. J’apprenais lorsqu’il me montrait, lorsqu’il m’expliquait, son cahier d’écolier sur lequel étaient dessinées et répertoriées toutes les belles pierres qui lui passaient dans les mains.

Chez VAN CLEEF il y avait eu Monsieur Edmond MARENA, puis, plus tard, nous fûmes reçus par Monsieur Max PELLEGRIN. De vrais professionnels. Au loin, veillaient Messieurs ARPELS.

Chez MAUBOUSSIN, je l’ai dit, on voyait parfois les patrons eux-mêmes et surtout Jean GOULET-MAUBOUSSIN, le père d’Alain et de Patrick.
Accessoirement, Roger GOULET, frère de Jean, visiblement traité enportion congrue …

Chez CHAUMET, je n’ai pas une grosse expérience mais, néanmoins, j’ai bien connu Monsieur MATHIEU … L’affable Monsieur MATHIEU qui regardait toujours avec attention ce qu’on lui montrait, mais sans donner beaucoup de suite à nos entretiens …

Un peu plus loin, rue Royale, il y avait un autre « Monsieur », Monsieur FRED, le merveilleux Fred SAMUEL. Je précise parce qu’il y a parfois, comme ça, des gens qui ont traversé votre vie en laissant une trace différente.  
Des gens qui vous ont aidé à grandir. C’était le cas de Monsieur FRED. Beaucoup d’années plus tard, dans une mondanité, je restais longtemps assis avec Monsieur FRED dans un petit salon à l’écart. Et alors que j’avais repris contact avec la foule, un confrère, plus jeune que moi, me dit, presque sur un ton de reproche : « Mais, qu’est-ce que tu fabriquais avec ce vieux bonhomme ? » Je lui répondis seulement : « C’était Monsieur FRED et je lui rendais un peu de qu’il m’a donné ! »

Nous visitions également la Maison BOIVIN, avenue de l’Opéra, qui, sous la direction de monsieur GIRARD et dans l’aura de ses créations passées renaissait avec les dessins de Caroline de BROSSES.

Que des hommes me direz-vous ! Il y avait également une Dame, place de la Trinité. Madame Suzanne BELPERRON, dont je me demandais pourquoi son magnifique vison était à l’intérieur de son imperméable !

Chaque Maison ignorait superbement les autres. On ne prononçait pas le mot « CARTIER » chez BOUCHERON, le mot « CHAUMET » chez VCA !

Mais, revenons-en à notre petit commerce. De Maison en Maison nous allions proposer nos pierres, quasiment tous les jours, comme je l’ai dit. 
A cette époque, nous sommes donc au-delà de 1970, la pratique la plus courante était que les joaillers de la rue de la Paix et de la place Vendôme achetaient des pierres et demandaient ensuite à leurs créateurs de les enrichir d’une monture. 
Pour nous différencier clairement d’aujourd’hui, au risque de heurter les gens du marketing, je dirais que le principal critère de sélection pour les pierres d’alors était « le charme ».

De toute façon, il n’y avait pas de certificat, donc rien à lire pour se donner des certitudes, simplement prendre la ou les pierres dans la main, pour s’éblouir des feux du diamant, s’émerveiller d’un rouge, plonger dans le bleu, ou bien sourire au vert tendre des émeraudes. 
L’inclusion, la soie, n’avaient pas à disparaitre mais seulement se faire discrètes et elles devenaient alors acceptables, elles étaient plus considérées comme des signatures que comme des défauts. 
Je vous propose une expérience. Vous achetez aujourd’hui, dans une vente publique, un très bel objet, bracelet ou collier ancien, bien coloré. Diamants, pierres de couleur et portant une belle signature.
Soyons fous, vous dépensez $.500 000. 
Une fois chez vous, vous démontez toutes les pierres, diamants, rubis, émeraudes et saphirs.

Le lendemain, vous faites le tour des Maisons avec toutes vos pierres. 
Et bien, pas une des Maisons de la place ne vous achètera la moindre de ces pierres ! Pas même les diamants.
Etrange, non ? Parce que vous avez tout de même dépensé $.500 000. Peut-être même n’avez-vous pas pu acquérir l’objet contre un acheteur trop fort, qui ne serait que la Maison dont le bracelet porte la signature. Pour son musée.

Etrange, non ? Cela m’amène à poser une question : Comment en sommes-nous arrivés aujourd’hui à cette folie qui veut que des pierres naturelles, des cristaux nés au coeur de la terre, soient exempts de toute trace de leur vie antérieure, soient exempts de toute trace des évènements qui ont accompagné leur naissance ?

Moi, j’ai une petite idée. En fait, il y a surement plusieurs raisons. 
Dans les années 75/80, hormis la folie du « diamant-placement » dont je parlerai tout à l’heure, est apparue une clientèle nouvelle et très gourmande. 
Je me souviens de la queue des Japonais devant chez CARTIER …Pas plus de 10 briquets par personne ! 
Exactement la même effervescence que devant LV, aux Champs Elysées aujourd’hui, où, parait-il, on vous accoste pour vous demander d’acheter en nombre, tel ou tel objet à l’intérieur …
Mais nos Japonais n’achetaient pas que des briquets.  Dans la culture bijou du Japon il n’y avait pas de pierres précieuses. Aussi les Japonais, nouveaux voyageurs, se ruèrent-ils sur le diamant. La plus prestigieuse, sans doute, mais aussi la plus facile à comprendre des pierres précieuses.

Tant qu’il s’est agi de petites pierres on les vendait avec leur seule facture, mais les pierres plus importantes durent être accompagnées de certificats de gemmologie. En France les certificats existaient depuis bien longtemps, depuis 1929 exactement puisque nous avons le plus vieux laboratoire de gemmologie du monde, fondé en 1929 par le Syndicat des Diamantaires. Il s’agissait, à l’origine, de trier le vrai du faux et de séparer perles et perles de culture ! 
Dans les années 75/80, il existait deux types de certificats pour le diamant en France. 
On peut, aujourd’hui, les trouver un peu « folkloriques », jugez-en : Il y avait un certificat « PUR 3fois » qui garantissait une pureté relative au grossissement 6 fois et un certificat « PUR 8fois » qui garantissait une pureté relative au grossissement 10 fois !

On ne parlait pas de la couleur du diamant, au moins en France. Pour les pierres de couleur, il s’agissait bien sûr de donner le nom de la pierre présentée au laboratoire mais surtout de faire la part du vrai et du faux. 
Mais revenons à nos Japonais. Ce fût une vraie grosse clientèle qui commença donc par acheter des diamants et des briquets. Puis, ensuite, naturellement, des pierres de couleur. Et c’est là que les choses se gâtèrent. Car ils voulurent des pierres sans défaut visible, comme le diamant.

Ça vaut ce que ça vaut mais je suis sûr que ce fût un commencement. Dans le même temps, des pierres de couleur « nouvelles » apparurent sur le marché. Des pierres plus « propres », plus « brillantes ». Je me souviens parfaitement de saphirs d’un beau bleu sombre, exempts de soies, qui se faisaient appeler « nouveaux saphirs de Ceylan ».
Je me souviens aussi que nous étions très fiers, ici, à Paris de vendre parfois des vieux saphirs soyeux, culassés, à des gens de BKK qui commençaient à voyager…

A la fin des années 70, le laboratoire suisse GÛBELIN constata que  certaines inclusions présentaient un aspect différent de celui qu’on leurconnaissait habituellement. Cela se traduisit d’abord par l’introduction 
d’une nuance dans l’énoncé de l’origine géographique de la pierre. 
Pour faire court, « ORIGIN CEYLAN » devint « IN OUR OPINION ORIGIN CEYLAN ».

Le marché finit par faire la différence jusqu’à ce qu’il apparut clairement, dans le courant des années 80 que la couleur de certaines pierres se trouvait modifiée en même temps que les inclusions. Finalement on parla de pierres chauffées et de pierres non-chauffées.
J’ai une illustration de ce propos :
En 1991, le tribunal me confia une expertise qui mit entre mes mains un important collier composé d’un ensemble de rubis entourés de diamants, collier fabriqué à NYC en 1985, signé d’une grande Maison. Comme cette affaire judicaire trouvait son origine dans l’apparition de pierres chauffées lors de l’examen au LFG avant la vente publique de l’objet à Paris (1991), je demandais au joaillier américain de me communiquer tous les documents ayant accompagné la fabrication du collier.

Et là, je constatais que, en 1985, le joaillier avait collecté un ensemble de rubis sur la place de NY et avait composé, en toute ignorance, son collier avec, à la fois, des rubis chauffés et d’autres, pas chauffés. 
Cela aurait pu et a même dû se produire dans n’importe quelle Maison, évidemment.

Notre étonnement ne s’arrête pas là. En effet, les prix payés, je vous le rappelle, en 1985, par le joaillier, se tenaient pour toutes ces pierres 
identiques, mais certaines pierres chauffées avaient été payées plus chères que d’autres non chauffées !
Bon, je ne peux pas arriver au bout de mon propos sans dire quelques mots de deux périodes qui chevauchent celles que nous venons de survoler et qui marquèrent profondément nos activités.
1975, 75/76, on va dire. Le franc fiche le camp, inflation officielle 13%, ce qui veut dire souvent plus de 15 dans le panier de la ménagère. La Bourse ne rassure personne. Les banquiers n’offrent rien sur rien.
L’inflation … Il faut trouver quelque chose !
Ce sont les banquiers qui réfléchissent et qui trouvent ! 
Certains, en effet, découvrent que le diamant, produit naturel rare, socialement incontournable, résiste plutôt bien à l’inflation, voire, s’en joue carrément. 
Alors, pourquoi ne pas acheter aujourd’hui un diamant, le mettre dans un coffre, attendre que l’inflation érode consciencieusement la monnaie durant quelques années et ensuite réinjecter ledit diamant dans le circuit auquel il est destiné …la joaillerie.

Pratiquement toutes les banques ouvrirent, au moins en France, des officines spécialisées pour aider leurs clients en lutte contre l’inflation. Le discours était parfaitement rodé. La hausse régulière, du prix du diamant, sa rareté réelle, la quantité finie de diamants existant sur terre, son besoin de consommation sociale allant croissant, le diamant était une valeur sure.
Il me faut, pour dédouaner tout le monde, sauf les voyous, rappeler que la période était telle que tout est parti dans tous les sens. Les officines issues des banques, dans un esprit de diversité, vendirent, des forêts, des morceaux de forêts, des wagons, des morceaux de wagons, des oeuvres d’art, des morceaux d’oeuvres d’art etc, etc … Et tentèrent même de 
vendre des morceaux de diamants ! … ?

Prévert était largement dépassé ! Nous courrions dans tous les sens pour trouver ces fameux diamants. 
NYC, Tel-Aviv, Anvers et même Amsterdam où j’avais trouvé un filon. Pour vous faire l’histoire très courte, le problème vint de ce que le nombre de diamants vendus comme placement devint tel qu’il devenait illusoire de pouvoir un jour les réinjecter dans le circuit normal, celui de la joaillerie.
Alors la baudruche se dégonfla d’elle-même. Parti en 1975 de quelques milliers de dollars, le diamant de 1 carat atteignit 65 000 dollars en 1982. Puis, presque du jour au lendemain, il devint invendable et sa valeur se retrouva à quelques milliers de dollars. 
Le sort des wagons ne fût pas meilleur car on avait souvent oublié d’intégrer dans les calculs le vieillissement accéléré du matériel … 
Inutile de vous dire que tous les investisseurs en diamants s’en sortirent plutôt mal.

Pour ce qui concerne l’activité « placement » que nous avons menée en pierres de couleur il y eut certainement moins de gens déçus. D’abord parce qu’il y eut peu d’opérations placement en pierres de couleurs, les banquiers ne « comprenant » pas le produit par rapport au diamant où ils pensaient que la lecture du certificat les renseignait, les protégeait 
suffisamment, ensuite parce que certains achats de très belles pierres de couleur se révélèrent un … excellent placement !

Une anecdote ? 
Notre banquier habituel décroche un rendez-vous avec un client très important. 
Je suis convoqué pour le briefing. Apparemment le sujet a déjà été débattu avec le client, c’est d’autant plus normal qu’un investissement en diamant a déjà été réalisé.

Frileux, le banquier me donne rendez-vous dans une brasserie quasiment une heure avant le rendez-vous. On ne s’attable pas, cela pourrait être trop long. 
Comptoir, sandwich, bière. Imaginez la scène. Ces deux types au comptoir, quoi de plus banal ? Sauf que. Dans la poche gauche de ma veste j’ai un diamant parfait de 5 carats.
C’était la préconisation de la banque. Dans la poche droite de ma veste j’ai un exceptionnel saphir cabochon, le genre que l’on rencontre tous les 15 ans !
Diamant et saphir ont une valeur quasi identique.

Il ne faut pas une heure pour manger un sandwich. Aussi utilisais-je le temps du café pour expliquer au banquier que je me permettrais bien une suggestion. Le client ayant déjà des diamants, il serait judicieux de diversifier … et je raconte ce que j’ai dans les poches.

Je vais faire court. D’ailleurs la réponse fût courte : NIET !L’important client a donc acheté, fin 70, début 80 un magnifique diamant de 5 carats. J’espère que, depuis, il n’a pas cherché à le vendre. L’autre période, plus folklorique, dont je veux vous parler, qui s’étend à peu près de 86/88 à 1995 est celle où est apparu un client exceptionnel. Et quand je dis exceptionnel je ne me paye pas de mots. 
Ce client a mis la place de Paris en ébullition durant plusieurs années. 
Au début de l’apparition de ce client on disait « Sultan de Brunei », il s’est avéré qu’il s’agissait d’un frère du Sultan que l’on a appelé « Jeffrey ». 
La manne est, en fait, principalement tombée sur la Maison MAUBOUSSIN d’alors car je crois que c’est un membre de son équipe qui avait déniché l’oiseau rare.
L’homme s’est particulièrement bien entendu avec Patrick MAUBOUSSIN.

Ce client a dépensé des dizaines et des dizaines de millions de dollars. Il y avait des périodes où tous les grands ateliers (il y en avait plus que maintenant) où tous les grands ateliers travaillaient pour lui. 
Il a fait faire beaucoup de joaillerie mais aussi beaucoup d’objets parfois très importants qui allaient de la reproduction d’un tableau de Van Gogh à une scène érotique animée. Toujours, métaux précieux, pierres précieuses.

Patrick MAUBOUSSIN avait établi des relations exceptionnelles avec le personnage au point que le prince lui confia la réalisation de son palais dans l’immeuble IBM, à l’entrée Sud de la place Vendôme.
Je me souviens, un jour, Jeffrey avait annoncé son passage à Paris pour le WE. 
Branle-bas de combat, chez MAUBOUSSIN, mais également chez les autres joailliers où le prince ne dédaignait pas de se montrer parfois. 
Le Lundi suivant, ma tournée me conduisant place Vendôme, je posais la question indiscrète chez MAUBOUSSIN :

« Alors, il vous a encore dévalisés ? » 
- Non, il n’a rien voulu voir cette fois…. Enfin, il a tout de même commandé un porte clé !
- Un porte clé, répétais-je, incrédule !
- Oui, tu veux le voir ? 
Sans attendre la réponse mon interlocuteur sorti de la pièce pour revenir avec un projet de porte-clés. Un anneau, une chaine et au bout de la chaine, un diamant coussin d’une trentaine de carats.
Avant de vous quitter laissez-moi attirer votre attention sur le déroulement du temps……
Je viens de vous parler de la vie il y a cinquante ans … 
Il y a cinquante ans il n’y avait certes pas internet, pas de téléphone portable, pratiquement pas de chômage, et 20 000 morts par an sur les routes de France.
Mais il y avait eau, gaz, électricité à tous les étages. On traversait l’Atlantique en avion à réaction, presque tout le monde avait sa petite auto, on partait à peu près 1 mois en vacances. Ce qui fait que si je vous transportais en 1965, vous pourriez vivre sans changer beaucoup de vos habitudes. Et l’homme de 1965 serait certes surpris par bon nombre de 
choses d’aujourd’hui mais il pourrait, sans trop modifier ses habitudes, vivre en 2015.

Maintenant, faites un nouveau bond de 50 ans en arrière … 1965 -1915. 
L’individu de 1965 aurait certainement beaucoup de mal à vivre en 1915 !

Conférence de Michel Bruley au laboratoire français de gemmologie : https://www.laboratoire-francais-gemmologie.fr/

A N N E X E S 

« société immobilière parisienne de la Perle et des Pierres Précieuses »

Dans les années 1920, on assiste à une arrivée massive de juifs ashkénazes et d’arméniens dans le faubourg Montmartre. Les premiers fuient les pogroms en Europe centrale et en Russie, les seconds le génocide perpétré contre eux par l’Empire ottoman de 1915 à 1923. Plusieurs synagogues sont toujours présentes dans le quartier comme la synagogue de la rue Buffault ou celle de la rue Cadet.
Construit en 1926, l’immeuble Art déco de la rue Cadet abrite alors la « société immobilière parisienne de la Perle et des Pierres Précieuses » (le nom est gravé sur la façade) : c’est en fait la bourse des diamantaires où s’échangent et se négocient les diamants bruts.


Transactions dans les années 30




*3-26 mars 1995 – Mise en place de la libre circulation dans 7 pays. L'accord de Schengen prend effet dans 7 pays: la Belgique, la France, l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et l'Espagne. Les voyageurs peuvent se déplacer dans l'ensemble de ces pays sans contrôle des passeports aux frontières.

*4-Les Trans-Europ-Express (TEE) étaient des trains de voyageurs européens de prestige, rapides et exclusivement de 1re classe. Mis en service à partir du 2 juin 1957, ils ont peu à peu disparu à partir du milieu des années 1980, au profit de nouveaux trains InterCity (IC), EuroCity (EC) et des trains à grande vitesse.

* 5- Pelikaanstraat (rue Pelikan) et quartier des diamantaires, Anvers
Depuis la seconde moitié du XIXe siècle, la Pelikaanstraat (rue Pelikan) est un centre commercial de diamants de renommée mondiale. La rue est également intéressante de par son architecture, dominée par des bâtiments pittoresques de style Art nouveau et éclectique.

Anvers est un centre du commerce du diamant depuis le XVe siècle. L'industrie a été transformée lorsque Lodewyk van Berken a inventé une nouvelle forme d'outil de polissage du diamant, le scaif, qui a permis la création du diamant stéréotypé étincelant et aux multiples facettes. Cela a attiré des commandes de la noblesse européenne et a attiré d'autres artisans à Anvers. Charles le Téméraire lui confia la tâche de tailler et de polir le diamant florentin. Dans les années 1890, une industrie du diamant a été créée à Anvers par des familles de commerçants et de fabricants de diamants venus d'Amsterdam. Le


Le quartier est dominé par des marchands juifs, indiens jaïns, maronites, chrétiens libanais et arméniens, connus sous le nom de diamantaires. Plus de 80 % de la population juive d'Anvers travaille dans le commerce du diamant ; Le yiddish était, historiquement, la langue principale de la bourse du diamant. Aucune activité n'est effectuée le samedi.

Le quartier des diamantaires est situé à côté de la gare centrale (Antwerp Centraal) et à quelques minutes à pied du Meir, la principale rue commerçante d'Anvers. Il existe de nombreux restaurants, bars et cafés variés dans le quartier.
Image gracieuseté de Wikimedia et Vasyatka1.




Revue de la BIJOUTERIE? JOAILLERIE , ORFEVRERIE de JUILLET 1902 , Exceptionnelle!!

En préparant mon dernier article sur Georges DERIBAUCOURT, faisant des recherches sur Gallica, je me suis aperçu qu'il manquait un numér...